MAX RICHTER – The Blue Notebooks
(Fat Cat / PIAS) – [site]
Il y a dans l’existence des joies musicales comparables à celle du coup de foudre amoureux. Au détour des allées encombrées de votre disquaire habituel, quelques notes s’envolent, arrêtent net votre élan, et vous vous trouvez saisi par cette brusque trouée de lumière, ayant perdu conscience du temps et de l’espace, réduit à l’attente éperdue de la note suivante. Le dernier morceau qui m’ait ainsi ébloui s’appelle – ce n’est pas un hasard – "On The Nature of Daylight" et c’est le second, peut-être le plus beau, du nouvel album signé par Max Richter. Élégie combustible introduite lento par les violoncelles, puis complètement dégagée de toute pesanteur par un duo de violons tournoyant en une parade amoureuse désespérée, le morceau s’impose avec force. Il s’en faut de peu pour que tout le disque, nourri au meilleur de la musique sérielle et ambient des trente dernières années (Reich, Glass, Eno, Pärt), se maintienne à cette hauteur d’inspiration. Entre minimalisme et expérimentation électronique, Richter a ainsi des trouvailles particulièrement fécondes : le mélange de percussions sourdes et de séquences mélodiques, l’échappée libre du violon dans "Shadow Journal", l’orgue répétitif et les choeurs de "Iconography", les délicats entrelacs de l’électronique et de l’acoustique sur "Arboretum".
Placé sous un haut patronage littéraire (Kafka, Czeslaw Milosz), son projet prend en outre la forme d’un concept-album réussi, la conception cédant toujours le pas à une intuition vagabonde, le minimalisme désamorçant le risque de l’emphase : régulièrement, un cliquetis de machine à écrire, la lecture de Tilda Swinton, les bruits captés dans l’environnement (croassements, sons de cloche), rappellent à l’auditeur qu’il se trouve bien dans l’exploration intime d’un univers littéraire qui restera simplement suggéré, inépuisable, non réductible à l’illustration sonore. Entre construction et sensibilité, hauteur de vue et modestie, tout semble avoir sa nécessité, et c’est presque à regret que l’on se prend à déplorer sur certains morceaux l’absence de développement du thème, ou une trop grande prégnance des modèles musicaux : par deux fois, les compositions pour piano rappellent de façon un peu voyante Philip Glass et Michael Nyman, étrange faute de goût chez un compositeur et pianiste par ailleurs si inspiré et maître de ses moyens. Faute cependant avouée et déjà pardonnée : tout le reste est superbe.
David
The Blue Notebooks
On The Nature of Daylight
Horizon Variations
Shadow Journal
Iconography
Vladimir’s Blues
Arboretum
Old Song
Organum
The Trees
Written On The Sky