FUCK BUDDIES – Fuck Buddies In Slumberland
(Dead Bees) [site]
On avait quitté Fuck Buddies au fond du gouffre il y a quelques mois. Derrière l’apanage d’un minimalisme radical, "A Storm" touchait le fond d’un folk déprimé et sincère où jaillissaient par brisures quelques éclats d’une vie qu’on devinait particulièrement amère et tourmentée. On ne sait pas quelle a été cette vie depuis. Mais le meilleur indice que nous en avons réside sans doute dans ces onze chansons, où se dégagent quelques éclaircies salvatrices qui laissent espérer que la pente a commencé à être remontée (ou plutôt la paroi grimpée). D’un strict point de vue musical, il y a eu du changement. On peut même dire du progrès. La guitare acoustique est toujours la colonne vertébrale du disque et soutient l’intégralité des morceaux. Mais, elle trouve sur certains d’entre eux un compagnon à sa mesure, relativement inattendu. En déployant ses talents d’instrumentiste, Sebastien Duclos (à l’ombre derrière Fuck Buddies) nous apprend que le piano n’a pas besoin d’être virtuose pour être émouvant. Sur plusieurs titres, quelques touches seulement, pressées avec une parcimonie prudente suffisent à habiller la mélodie d’un voile inédit et aèrent considérablement le propos, lui donnant un second souffle appréciable. La meilleure illustration en est sans doute "Be Home For Christmas", impeccable petite ballade ténue dont la mélodie persistante se sifflote après deux écoutes, malgré la forte teneur en mélancolie du sujet. Autre nouveauté, plus étonnante de prime abord, les morceaux se fondent ponctuellement sur la pulsation artificielle d’une boite à rythmes, qui, sans les changer en hymnes électroniques, leur donnent un cadre qui sied finalement bien au fil mélodique. Ainsi "Will You Be Here for Me" profite-t-elle de cet appui pour devenir autre chose qu’une chanson folk intimiste et se déployer en un manifeste plus incisif, plus violent, suintant à l’extérieur toute la frustration et la rage contenue dont il est question dans les paroles (et suggérant physiquement au passage les coups auxquels il est fait allusion). Par ailleurs, la guitare elle-même gagne en assurance sur "Still Not Summer" par exemple où les vifs accords donnent du champ à une voix plus fantaisiste, plus ambitieuse que celle que l’on connaissait sur "A Storm". Si l’ensemble du disque est encore le fait d’un seul homme qui veille à l’harmonie de l’œuvre entière, l’appel est moins solitaire, le ton est moins complaisamment désespéré, la lumière moins sombrement austère, et l’auditeur qui écoute cet album est cette fois le bienvenu et sera bien accueilli. Puisse-t-il en prendre conscience.
Jean-Charles Dufeu
A Cloud
Still Not Summer
A Trophy Child
Data Recovery
Be home for Christmas
Will You Be Here for Me
Eye Candy
My Grandfather
Another Time, Next Year