ADULT. – Gimmie Trouble
(Thrill Jockey / Discograph) [site] – acheter ce disque
On colle souvent à Detroit l’image du temple de l’underground et il est vrai qu’on n’aurait bien du mal à remettre en cause ce statut tant les merveilles que cette ville a vu naître sont nombreuses. Rien qu’à l’évocation de ce lieu maudit, pauvre, sale où se dressent les usines de la célèbre General Motors, tout un panthéon de légendes se fige dans votre cerveau, quelque part entres les oreilles et le cortex. Que de plaisir. Et arrive ADULT. et son "Gimmie Trouble". A priori, les candidats parfaits au titre de vilains petits canards : pas ou peu de guitare ; à la place de cela une volée de synthés et de boites à rythmes en tout genre, une voix plaintive pour seuls atours vocaux, et ce du début jusqu’à la fin. A la première écoute on ressent très vite une impression étrange : il ne fait aucun doute que nous sommes en présence d’une véritable bizarrerie. Mais elle est attirante. Pour tout dire, après quelques minutes, vous êtes à deux doigts de tout arrêter et de crier à l’arnaque, mais voilà, vous ne faites rien. Alors vous poursuivez l’écoute, et à votre grande surprise, quand la corvée est enfin terminée, vous en remettez une couche.
C’est album est un paradoxe à lui tout seul, c’est l’explication. Les morceaux sont complètement morcelés, ils évoluent à leur guise sans jamais revenir sur leurs pas. Quant aux refrains, ils sont noyés dans la masse. C’est l’anarchie électronique : tous les sons s’entrechoquent, disparaissent, reviennent ; seule règne en maître la voix survoltée de Nicola Kuperus ; et à sa manière de vider ses tripes au micro on se dit qu’en voilà une pour qui le mot punk représente bien plus que l’association de quatre lettres.
C’est sûr, les ADULT. ne cultivent pas un sens de la mélodie très prononcée. C’est pourquoi il est préférable de ne pas rester bloqué sur la première écoute. A la deuxième on prend conscience que les Américains arrivent à glisser quelques perles : on est gâté dès le début avec le très honorable "Bad Ideas". Au fil de l’album les guitares font des apparitions discrètes. On pense un instant qu’elles vont définitivement prendre le dessus et sortir les ADULT. des dédales eighties. Pendant ce temps là, l’album, lui, atteint des sommets avec le sublime "In My Nerves". Un peu plus tard les guitares tant attendues font une apparition décisive sur "Still Waiting" : doublées d’une ligne de basse plus qu’audacieuse, elles livrent un des principaux joyaux de cet album.
Au final, même si "Gimmie Trouble" apparaît comme un peu inégal, son excentricité bien maîtrisée fait de lui une pièce unique. Unique et dérangeante. Qu’il plaise ou non, il ne laissera personne indifférent.
Kévin
Gimmie Trouble
Bad Ideas
Scare Up The Birds
Thought I Choked
Strange Mistakes
Disappoint The Youth
In My Nerves
Turn Into Fever
Helen Bach
Still Waiting
Lovely Love
Seal Me In