MICK HARVEY – One Manís Treasure
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On peut entrer dans ce disque les oreilles grand ouvertes sans savoir que la plupart des compositions ne sont pas signées de Mick Harvey, membre actif des Bad Seeds et distingué arrangeur et producteur de P. J. Harvey et Anita Lane. Pas de crainte à avoir : on peut faire confiance à celui qui a su traduire Gainsbourg en anglais ("Intoxicated Man", puis "Pink Elephants") de lui avoir volé aussi une science de l’arrangement qui fait régulièrement mouche, permettant de mesurer ici une pleine capacité à faire d’un autre univers le sien. Cet album est donc un superbe disque d’arrangeur, pour qui la cover signifie bien se revêtir d’une autre identité, emprunter un costume pour en jouer le personnage. Autant l’album de reprises de Cat Power ("The Covers Record") manifestait une assimilation par le dépouillement (ainsi de la castration en règle de "(I Can’t Get No) Satisfaction"), autant celui-ci est une assimilation par l’habillage : pour n’en donner qu’un exemple, la version sombre, entre cabaret et indus, de l’alt-country "Demon Alcohol" (Bambi Lee Savage) a de quoi faire pâlir de jalousie le compère Nick Cave, battu sur son ancien terrain de jeux. En outre, avec peut-être davantage de prudence que dans le répertoire de Gainsbourg, Mick Harvey a la bonne idée de ne pas aller chercher des airs trop connus pour composer son recueil ("First St. Blues" de Lee Hazlewood ou "The River" de Tim Buckley ne sont sans doute pas les morceaux les plus célèbres de leurs auteurs). Il ajoute à cela deux compositions personnelles ("Man Without A Home", qui rappelle cette fois le Cave de "Murder Ballads" ou un gracieux "Will You Surrender ?" en ballade de clôture) qui ne déparent pas l’ensemble. En bon couturier, le musicien sait varier les matières, et après avoir tendu les soies des violons sur les premiers morceaux, il passe de la ballade rock ("The River") au blues urbain référencé ("Hank Williams Said it Best") en donnant la part belle au relief rugueux des guitares, puis caresse la gaze éthérée d’un "Bethelridge" à mi-chemin entre Brendan Perry et This Mortal Coil. Comme la voix, a priori plus à l’aise dans les mediums mais ici souvent bouleversante, épouse très exactement les nuances des matières, on ressort de cette parade avec la très nette impression de mieux connaître Mick Harvey à travers les compositions des autres, ce qui n’est pas une mince réussite.
David Larre
First St. Blues
Come Into My Sleep
Louise
Come on Spring
Demon Alcohol
Man Without a Home
Planetarium
The River
Hank Williams Said it Best
Bethelridge
Mother of Earth
Will You Surrender ?