THE HUSHPUPPIES – The Trap
(Diamond Traxx / Discograph) [site] – acheter ce disque
Dans la grande scène rock’n’rollienne émergente aux quatre coins de l’Hexagone (et parfois assez surfaite à certains égards), les Hushpuppies font figure de vétérans. A une époque où la moyenne d’âge de la scène parisienne tourne autour de 17-18 ans, nos Parisiens d’adoption (originaires de Perpignan), trentenaires, sont déjà solidement implantés dans le métier. Ils revendiquent une obsession récurrente pour le garage 60’s et les envolées du psychédélisme anglais et américain. Et, chose très importante, ils disposent d’une culture mod particulièrement étendue. Le modernisme, dont le leitmotiv est "A clean living under difficult circumstances", est un courant dont le noyau central ne doit pas être résumé à une obsession avouée pour les fringues, les vespas et les parkas. C’est un véritable mode de vie, un prisme basé sur l’importance de l’art, de l’esthétique, du dandysme… lorsque la vie "naturelle" vous parait être un leurre. "On a tous les pieds dans le caniveau, mais certains regardent vers les étoiles", disait Oscar Wilde. Et bien, le modernisme, les enfants, c’est ça…
Et les Hushpuppies en sont de fidèles représentants sur notre territoire. Il n’y a qu’à regarder la pochette de leur premier album, "The Trap", qui évoque un après-midi anglais, au croisement des Kinks de "Sunny Afternoon", des Beatles dans le scopitone de "Penny Lane", ou de The Move dans "Flowers in the Rain", très anglais tout ça… Et la galette ne déçoit pas, loin s’en faut. Même si les premiers morceaux de l’album ont des accents de déjà-vu. La progression harmonique de "1975" est certes efficace mais guère surprenante. Entre les Libertines et les Remains, "Packt up Like Sardines in a Crush Tin Box", dont le titre rappelle celui d’un morceau de Radiohead (influence également présente dans le morceau "Comptine"), doit quant à lui gagner toute sa splendeur sauvage en live, territoire dont les Hushpuppies sont devenus maîtres. La première moitié du disque se déroule ainsi, particulièrement efficace et entraînante, mais ne les distingue pas autant qu’il serait possible des autres groupes anglais actuels. De plus, se pose la question du chant en français. Tous les morceaux sont en anglais, tout comme le nom du groupe… S’agit-il de la persistance du complexe français face au potentiel de la langue anglaise, qui dure depuis l’arrivée du rock en France, en 1960 ? Il aurait été intéressant pour le groupe d’inclure quelques morceaux en français dans l’album, ne serait-ce que pour marquer son originalité, eux qui ont assez de goût pour reprendre le mythique "7 heures du matin" sur scène avec Jacqueline Taïeb, et intituler leur EP "The Garden", en hommage à Nino Ferrer.
La deuxième partie de l’album, plus aventureuse, notamment par la présence de "Bassautobahn", absolument irrésistible, permet à l’orgue, élément indissociable de l’originalité du groupe, entre Steppenwolf, Vanilla Fudge et Question Mark & the Mysterians, de prendre le contrôle de la situation (Ahhh, "Alice in wonderland"…). Le morceau éponyme de l’album est un abîme de silence qui nous prépare au morceau le plus dépouillé et le plus poignant du disque : "Automatic 6", léger et grave, au croisement de Mercury Rev, "I’m into something good" de Goffin/king, et le Big Star de "Sister Lovers". Ce morceau prouve à lui seul que les Hushpuppies constituent un élément particulièrement précieux pour le renouveau de rock en Phrance. Les Hushpuppies font partie de ces groupes importants par leur capacité d’assimilation de références variées, ce pouvoir d’en saisir l’essence même afin de les transcender dans l’époque. Eminemment mod, comme démarche.
Frédéric Antona
1975
Packt Up Like Sardines In A Crush Tin Box
You’re Gonna Say Yeah !
Marthelot ‘n’ Clavencine
Sorry So
Pale Blue Eyes
Comptine
Bassautobahn
Alice In Wonderland
Single
You and Me
The Trap
Automatic 6