ART BRUT – Bang Bang Rock’n’Roll
(Fierce Panda / Rue Stendhal) [site] – acheter ce disque
Ce disque est une blague. Mais qu’elle est bonne. Art Brut qui n’était pas passé inaperçu il y a un an avec son premier single "We Formed a Band", livre enfin son album, "Bang Bang Rock’n’Roll". Un miraculé quand on sait que Rough Trade – chez qui était sorti le single – l’a refusé. Et quelle erreur ! Car c’est là une bonne claque, une belle grosse comme on aimerait s’en prendre plus souvent. Violente et gentille à la fois. Tel est "Bang Bang Rock’n’Roll", une expérience démentielle à vivre dans l’urgence. Tout ici est fait pour procurer un plaisir immédiat ; la formule est identique tout au long de l’album mais elle pourrait difficilement être plus efficace : un mélange de pop et de punk cool (façon Buzzcocks) servi à chaque fois par un riff démentiel, terriblement accrocheur – celui de "My Little Brother", très clashien, est un bon exemple -, et des paroles, débiles à souhait, répétées indéfiniment ("I’ve seen her naked, twice! I’ve seen her naked, twice!" ou encore "Look at us! We formed a band! Look at us! We formed a band!"). Une leçon d’enthousiasme. Tout simplement. Car si ironie et second degré font office de mot d’ordre sur ce "Bang Bang Rock’n’Roll", rien n’est là pour vous faire réfléchir, la spontanéité des Anglais vous épargne tout humour vaseux. Exit le cynisme malsain (même si j’en raffole, dans une certaine mesure), exit la grisaille automnale, exit les contraintes, toutes, de n’importes quelles sortes. Art Brut est arrivé. Tout va bien, plus rien n’a d’importance. Ceux qui ont gentiment tourné le dos au NME – "Haven’t read the NME in so long / Don’t know which genre we belong" – sont là pour vous chanter un petit air de liberté. Et il était temps, car dans la jungle anglaise qui voit chaque jour émerger de nouveaux groupes plus prétentieux les uns que les autres, Art Brut est une vague rafraîchissante qui, dénuée de tout amour-propre et parfaitement consciente qu’elle ne révolutionnera rien du tout, préfère vous conter de petites anecdotes banales, rendues burlesques par un humour des plus ravageur.
Un peu à la manière de son héros, Jonathan Richman (Modern Lovers), Eddie Argos a ce pouvoir de rentre attractif n’importe quoi, n’importe quelle situation ordinaire à laquelle le citoyen lambda a forcément été confronté dans sa vie, tout en échappant à la banalité et aux dénominateurs communs. Qu’il raconte l’histoire d’un petit frère de 22 ans qui vient juste de découvrir le rock’n’roll ("My little brother just discovered Rock’n’Roll / There’s a noise in his head, and he’s out of control"), chante un hymne à l’amour très bubble gum sur "Emily Kane", ou envisage de s’installer sous le soleil californien pour boire du Hennessey avec Morrissey ("Moving to LA"), il a ce pouvoir de vous tirer un sourire jusqu’aux oreilles en toutes circonstances. "Bang Bang Rock’n’Roll", aussi (faussement) stupide soit-il, fait parti de ces disques vitaux dont l’évidente simplicité agit comme une drogue sur l’organisme, le genre d’album indispensable dont il est difficile de se lasser et que nos oreilles sont heureuses de retrouver lorsque sévit la sècheresse musicale. Vous voulez que je vous dise ? L’album de l’année n’est pas loin…
Kévin Le Gall
Formed a Band
My Little Brother
Emily Kane
Rusted Guns of Milan
Modern Art
Good Weekend
Bang Bang Rock’n’Roll
Fight
Moving to LA
Bad Weekend
Stand Down
18000 Lira