SUN KIL MOON – Tiny Cities
(Rough Trade / Pias) [site] – acheter ce disque
Il y a un art de la reprise comme il y a un art de la composition, c’est un sujet sur lequel on a volontiers glosé, dans les pages de ce webzine comme ailleurs. The Cover Records y fait souvent figure de référence indétrônable malgré des tentatives pourtant plus audacieuses (aux nombre desquelles on peut citer le récent effort de Sylvain Chauveau). On peut remercier Mark Kozelek d’apporter une nouvelle fois sa contribution à ce vaste débat, en signant un superbe disque de reprises de Modest Mouse. Blotti en une courte demi-heure, cet album parvient, par une habile économie de temps et de moyens, à faire jaillir tout le suc des compositions d’Isaac Brock et à homogénéiser un répertoire pourtant difforme et inégal. Car, aussi bonnes puissent être les chansons de Modest Mouse en règle générale, elles n’ont pas toutes, loin s’en faut, la grâce systématique que leur impose Mark Kozelek. Là où les morceaux de Modest Mouse étaient revêches et sauvages, les reprises par Sun Kil Moon sont calmes, presque lisses, doucement bercées par le timbre im(com)parable du chanteur, mais gagnent en tourmentes ce qu’elles perdent en violence ; à l’image de l’incroyable "Convenient Parking", perle parmi les perles, qui comprend ce qu’il y a d’inquiétant, d’irrésolu et d’évanescent dans le titre d’Isaac Brock. En saisissant ce qui, dans la chanson originale, donne de l’âme à la mélodie, Mark Kozelek construit un titre, souvent plus court, plus dense, évidemment plus lunaire également ("Exit Does not Exist" dure à peine plus d’une minute ici). Deux ou trois notes de guitare pincées suffisent souvent à reconstruire mentalement l’ossature d’une chanson qu’on pensait reposer sur une instrumentation complexe et n’être qu’un titre rock, voire punk. Les frontières tombent ici, le folk de Sun Kil Moon jette ses brumes sur les morceaux les plus rageurs, et les chansons, qu’on ne pensait pas toutes aussi bonnes avant de les entendre de cette nouvelle oreille, revêtent un habit taillé dans la transcendance et le mystère. La grande réussite de Kozelek consiste en effet à s’approprier un répertoire déjà plein d’intérêt, en n’en proposant non pas une réécriture mais une relecture. De la part de quelqu’un qui avait déjà su magnifier quelques chansons d’AC/DC, on n’en attendait évidemment pas moins. Reste que la déférence et le respect avec lesquels Mark Kozelek s’acquitte de cet exercice de style, la personnalité qui émane de ce recueil de reprises, l’égale qualité des morceaux, forcent une admiration qui fait bien vite oublier la charmante Catpower.
Jean-Charles Dufeu
Exit Does Not Exist
Tiny Cities Made of Ashes
Neverending Math Equation
Space Travel Is Boring
Dramamine
Jesus Christ Was an Only Child
Four Fingered Fisherman
Grey Ice Water
Convenient Parking
Trucker’s Atlas
Ocean Breathes Salty