NEIL YOUNG – Living With War
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Il faut probablement remonter à une bonne dizaine d’années, à des albums comme "Mirror Ball" (1995) ou même "Ragged Glory" (1990) pour retrouver un album studio de Neil Young aussi électrique et rageur. Pas un instant avant le dernier morceau – le traditionnel "America the Beautiful" – il n’abandonnera le son abrasif et tranchant de sa guitare électrique. Démarche punk évidemment : les prises ont visiblement été réalisées d’une traite, privilégiant colère et spontanéité, quitte à ce que la voix déraille parfois. Mais qu’est-ce qui motive chez Young une telle colère ? Qu’est-ce qui lui fait sortir un album quelques mois seulement après son précédent, le bucolique "Prairie Wind" ? Visiblement, le sort de son pays d’adoption, les USA, et les faits politiques de son président actuel, Georges W. Bush. Je passerai rapidement sur les polémiques liées à l’album (pourquoi un Canadien demande-t-il la destitution du président des Etats-Unis…), le bien fondé politique d’une telle démarche et les démêlés judiciaires que provoquent le premier extrait de l’album "Let’s Impeach The President" ("Destituons le président", tout de même, contenant des extraits choisis de discours de Bush). La forme des chansons en elle-même est éloquente : une base résolument punk – guitare, basse, batterie : tous les voyants dans le rouge – accompagnée de manière assez peu conventionnelle par une trompette d’une part et une chorale imposante de l’autre. Les instrumentistes et le co-producteur Rick Rosas avaient déjà largement participé à "Freedom" (1989), album déjà éminemment politique où Neil Young arborait une casquette frappée d’une étoile. L’idée de la chorale semble, quant à elle, plus récente, apparemment inspirée par les deux morceaux les plus remarquables de "Prairie Wind" et en particulier le superbe "When God Made Me" ; loin d’édulcorer le disque, elle symbolise un peuple en marche derrière Neil Young façon Delacroix – "La Liberté guidant le peuple". Le procédé est peut-être discutable mais le résultat est bien là : des morceaux comme "Restless Consumer" ou "Shock & Awe" sont de véritables bombes qui ne dépareillent pas auprès des meilleurs morceaux du Canadien ; à l’exception peut-être du final, un brin trop emphatique, les autres chansons ne sont pas en reste et bénéficient toutes – de "After the Garden" à ce "Roger and Out" joliment désabusé – de ce sens de la mélodie qui n’a jamais fait défaut à Neil Young. Les paroles, empruntes de colère, sont probablement plus faibles, manquant parfois de nuances, mais plus que jamais, Neil Young porte haut le flambeau du rock et fait sienne la devise qu’il chante depuis "Freedom" : "Keep on rockin’ in the free world" !
Christophe Dufeu
After the Garden
Living With War
Restless Consumer
Shock & Awe
Families
Flags of Freedom
Let’s Impeach the President
Looking for a Leader
Roger and Out
America the Beautiful