TUXEDOMOON – Bardo Hotel Soundtrack
(Crammed / Made to Measure / Wagram) [site] – acheter ce disque
Made to Measure est une collection de musiques instrumentales haut de gamme fondée par Crammed dans les eighties : ouverte à l’expérimentation et aux autres expressions artistiques (littérature, cinéma, danse, etc.), elle a été réanimée à l’occasion de la sortie de ce nouvel album de Tuxedomoon, le second depuis leur reformation à l’occasion de la production de l’excellent "Cabin in the Sky" en 2004.
Bande originale d’un film sur San Francisco tourné par le groupe avec le réalisateur George Kakanakis, elle va donc rejoindre les prestigieuses musiques offertes par John Lurie à Jim Jarmush ("Stranger than Paradise", "Dowm by Law") ainsi que les nombreux disques des membres du combo (Blaine L. Reininger, Peter Principle, Benjamin Lew) dans cette même collection. Cette nouvelle est en soi-même suffisamment importante pour attirer l’attention sur le disque, mais, loin de se fonder sur la seule nostalgie antiquaire des ex-fans des eighties, elle mérite largement de faire connaître le groupe à un nouveau public. Avec quels arguments ? Ben les mêmes, strictement les mêmes. C’est-à-dire rien moins que la puissance d’une musique hors-norme flottant aux confins du jazz, de l’expérimentation ambient et de l’électronique de pointe, avec une maîtrise et un détachement des contingences qui ont de quoi forcer l’admiration.
Maîtrise et détachement sont bien les maîtres-mots d’un projet qui s’apparente à la fois à l’improvisation jazz (le principe des "compositions spontanées" de Charlie Mingus) et à l’échantillonnage pointilleux des fous de laboratoire sonore (l’usage du cut-up et la captation de sons divers). Naviguant sur des eaux a priori incertaines, les musiciens ont su poser quelques balises pour assurer leur traversée : le disque débute et se clôt par des instrumentaux doux, répétitifs et abstraits à la fois, qui font la part belle à la trompette (Luc Van Lieshout) et au saxophone (Steven Brown) et installent des ambiances entre chien et loup, à la bordure du réel et de l’imaginaire. Puis, peu à peu, des éléments, tels des bouts de banquise, se détachent et prennent leur autonomie, faisant dériver l’ensemble vers des zones plus étranges et contrastées (blues, fanfare, new-wave caverneuse, conversations sonorisées et même choeurs à la Swingle Singers). De rêveries en réveils étonnés, l’auditeur consent à cette sorte de digression permanente qui donne l’occasion au groupe de manifester la diversité de ses talents et une liberté d’éxecution remarquable. Jouée du bout des doigts, avec le tact et la virtuosité des jeteurs de sort, cette musique est, on se répète, littéralement rêvée, un vrai sortilège.
David Larre
A lire également, à propos de Tuxedomoon :
chronique de "Cabin in the Sky" (2004)
chronique de "Vapour Trails" (2007)
Hurry up and Wait (Flying Sequence)
Effervescing in the Nether Sphere
Soup du Jour
Flying Again
Triptych
I’m Real Stupid
Airport Blues
Needles Prelude
Prometheus Bound
The Show Goes on :
Baron Brown
Jinx
Loneliness
Remote
Dream Flight
More Flying
Vucanic, Combustible
Mr. Comfort
Another Flight
Invocation of
Carry on Circles