JOLIE HOLLAND – Springtime Can Kill You
(Anti / PIAS) [site] – acheter ce disque
Un miracle. La rencontre du "Storytelling" de Kimya Dawson et de la voix de Beth Orton dans une même femme. Pour ce troisième album sur le très respectable label Anti (qui édite les disques de Merle Haggard et Solomon Burke, entre autres), Jolie Holland enregistre la plupart de ses morceaux en live avec le groupe et part dans l’exercice à double tranchant du concept album. Un soupçon de Joni Mitchell, des arrangements minimalistes mais bien sentis, une guitare slide fantomatique sur "Crazy Dreams"… L’album m’a envahi peu à peu, pour finalement revenir quotidiennement sur la platine.
Mélancolie douce, inflexions jazzy et cabaret ("You’re not Satisfied"), fanfare titubante… "Stubborn Beast" est une tuerie country comme pouvaient en composer Gram Parsons et Emmylou Harris en 1973, dans la même lignée que le "Stand by your Man" de Tammy Wynette. Dire que cet album est de son temps serait une erreur. C’est le genre de disque déclencheur de larmes et de brume à l’âme. Profondément intemporel. Personne ne m’enlèvera de l’idée que les disques les plus marquants restent ceux qui sont empreints d’une grande mélancolie. Le concept ici présenté n’est pas, à mon sens, le point le plus notable de l’album. Seules comptent les chansons, disséminées d’une voix gracile. Parfois des échos de Belle & Sebastian viennent frapper l’oreille… Mais la grosse affaire de l’album, c’est ce titre en ouverture, "Crush in the Ghetto", absolument exceptionnel, tout en légèreté et mélancolie. "Nothing Left to Do But Dream" aurait pu figurer dans le film "Brazil", tant le sentiment de désespoir tranquille est présent dans la voix de la demoiselle. Je pourrais partir sur des comparaisons avec les groupes folk de la fin des années 60 (Fairport Convention, entre autres), mais ce serait trop réducteur par rapport à la diversité présente ici.
Folk vaporeux, country vespérale et pop désespérée, Jolie Holland signe un troisième album magnifique, entre soirées solitaires et bleus à l’âme. Malgré son titre, ce disque peut s’écouter quelles que soient les saisons.
Frédéric Antona
Crush in the Ghetto
Mehitibell’s Blues
Springtime Can Kill You
Crazy Dreams
You’re Not Satisfied
Stubborn Beast
Don’t Tell’ Em
Moonshiner
Ghostly Girl
Nothing Left to Do But Dream
Adieu False Heart
Mexican Blue