TV ON THE RADIO – Return To Cookie Mountain
(4AD / Beggars Banquet) [site] – acheter ce disque
Avec "Desperate Youth, Blood Thirsty Babes", TV on the Radio avait inventé une manière un peu inédite, une forme de gospel électrique mâtiné de free-jazz, tout en remplissant la charte noisy et arty définie par les Pixies chez 4AD. Le cocktail avait des effets divers, aussi bien hallucinatoires que, parfois, soporifiques, mais son originalité était peu contestable. Avec la préparation du second album, pour lequel de nouveaux musiciens ont été convoqués à intégrer la formation (les polyvalents Jaleel Bunton et Gerard Smith), il fallait compter sans l’effet de surprise initial et tenter de prolonger l’aventure, entre soul rêche et expérimentation bruitiste, qui donne son identité au groupe. Le pari est en grande partie réussi et "Return to Cookie Mountain" atteint à une sorte d’équilibre entre continuité et rupture qui devrait maintenir, le cas échéant renforcer, la bonne réputation du groupe.
On mettra au compte de cet équilibre la grande force du chant, dans ses enchevêtrements et ses percées, les voix de Kyp Malone et Tunde Adebimpe étant renforcées dans l’exercice par de nombreux invités (dont un David Bowie curieusement effacé) qui constituent un chœur à géométrie variable : de l’habituel dédoublement des voix entre le grave et l’aigu ("Hours"), jusqu’à l’ensemble organique ("Blues From Down Here") en passant par les éructations trendy poussées dans le sillage de Arcade Fire ("Let the Devil in"), les chanteurs assurent la mise, évitant le risque de lassitude inhérent à leurs prouesses démonstratives.
Comme sur le précédent album, on peut trouver que certaines chansons l’emportent nettement sur les autres mais sans les disqualifier, le disque étant par ailleurs assez cohérent et égal. En particulier, les compositions de Abedimpe retiennent davantage l’attention : "Wolf Like Me" est le premier morceau réellement enlevé du lot, avec des parties vocales incisives remarquablement portées par un ensemble guitares/basse/batterie new wave de bon aloi ; "Method", avec ses percussions métalliques, est un exercice néo-gospel habile ; "Dirtywhirl" joue sur le contraste entre les affèteries rugueuses de la voix et la douceur du Rhodes et des synthés. Mais cette distinction ne relègue pas dans l’ombre les autres compositeurs, Malone proposant avec "I Was a Lover" ou "Blues Down from Here" des exercices de style intéressants, avec des alliances d’instruments audacieuses (rythmiques electro, cuivres, guitares saturées). A la fois habile dans ses constructions, ample dans l’accompagnement, innovant dans les mariages de sons, "Return to Cookie Mountain" prolonge de façon convaincante les avancées esthétiques du groupe. On n’en demande pas toujours autant à un second album.
David Larre
I Was a Lover
Hours
Province
Playhouses
Wolf Like Me
A Method
Let the Devil in
Dirtywhirl
Blues From Down Here
Tonight
Wash the Day