LUKE TEMPLE – Hold a Match for a Gasoline World
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Ce disque date déjà un peu : sorti en avril 2005, il a fallu un an pour qu’il traverse l’Atlantique, et encore un peu plus qu’on s’empare de l’affaire et la dévoile au grand jour. Car "Hold a Match for a Gasoline World" est un album remarquable. Il est l’oeuvre d’un personnage au destin mouvementé. En effet, qui eût cru qu’un Californien qui – à l’occasion – vécut dans la forêt, eut une révélation musicale en écoutant Stevie Wonder, et fut un temps promis à la peinture, ne finisse par devenir un songwriter de pop de haute voltige ?
La musique de Luke Temple se situe plus exactement au croisement de la pop, du folk et du rock, et l’on y croise entre autres des mélodies que n’aurait pas reniées Elliott Smith, une sophistication pop qui enthousiasmerait XTC, et une finesse dans ses incartades purement folk qu’on aimerait entendre davantage chez les représentant actuels du genre. Y alternent d’une part des morceaux pop/rock de construction élégante et soignée d’accords recherchés, rehaussés d’arpèges joués à l’électrique dans des tons clairs, et d’autres part des morceaux folk/pop acoustiques joués avec raffinement en fingerpicking virtuose. La voix vise également à la finesse, de même que les quelques notes de cuivres et de clavier qui viennent agrémenter le tout et font merveille. Le tout semble couler de source, mais on imagine bien le travail énorme qu’il a fallu pour atteindre ce niveau de finition dans l’écriture.
Si l’on veut chercher la petite bête, on la trouve : la production de l’album n’est pas à la hauteur de la qualité des morceaux et porte un peu préjudice au travail passionné de l’orfèvre en composition. J’en suis peiné pour lui. On regrette surtout la rigidité du cadre formel, en particulier celui des chansons "pop/rock" basées généralement sur une piste rythmique acoustique, une piste lead et une piste de voix. Mais après tout l’album a été enregistré en deux semaines, quand l’écriture a dû prendre des années à s’affiner. Qu’on ne s’étonne donc pas. Il faut répéter que l’écriture est d’une qualité rare et le résultat reste donc d’une très haute tenue. Parmi les plus belles réussites de l’album, la sublime et potentiellement (bien que l’histoire ne l’ait pas démontré) très radiophonique "In The End" dont le refrain vous mettra en extase, la merveilleusement sophistiquée "Mr. Disgrace" aux jolies mélodies tristounettes de cuivres, "Radiation Blues" et sa chaude ligne de basse, ses contretemps et sa voix planante entrelacée de tissus d’arpèges, la sautillante et tordue "Old New York" et ses délicates touches de piano, ou encore "Get Deep, Get Close". Un album qu’il n’est pas trop tard pour découvrir.
Nicolaz Guidon
Someone, Somewhere
Make Right with You
In the End
Mr. Disgrace
Radiation Blues
Old New York
Private Shipwreck
To All My Good Friends, Goodbye
Get Deep, Get Close
Blues Britches
Only a Ghost