GREETINGS FROM TUSKAN – Lullabies For The Warriors
(Iwari / Neuton) [site]
Greetings From Tuskan (que je désignerai par la suite avec le sigle G.F.T.) me produit l’une des meilleures surprises de cette rentrée. Celle qui se cache derrière ce nom (Joëlle Phuong Minh Le) est vidéaste et producteur à Bruxelles mais – inspirée par les rapports entre image et musique – elle a décidé de se lancer dans l’aventure d’un disque d’electronica. Cette série de "berceuses pour guerriers" s’impose d’emblée par l’assurance et la maturité avec lesquelles elle réussit à se définir par rapport à plusieurs décennies de musique électronique. Parce qu’on sent que G.F.T. a prêté l’oreille à pratiquement tout ce qui s’est fait depuis Kraftwerk, même si elle n’en ressort ni désabusée ni muette. Comme une sorte de Mallarmé musical à rebours, si j’ose : "la chair n’est pas triste (même si) j’ai écouté tous les disques". Cette chair à canon qu’elle tente de consoler ainsi, c’est un peu nous-mêmes, notre époque qui mêle terreur et politiquement correct. Et puisqu’il n’y a pas de vraie berceuse sans chant, G.F.T. ose les voix dès le début, en français ou en anglais, légèrement ou fortement distordues, même si une sorte de tradition tacite de l’electronica veut que la plupart des fois l’on commence par un disque instrumental. Dans son traitement des "instruments" (électronique ou vocal), cet album assume aussi une lignée qui passe par Eno (sur "I Chose to Know You" ou "Always Love You"), Plaid (dont on retrouve les suites d’accords dans un inespéré hybride Plaid-Eno sur le cinquième titre, mais aussi sur plusieurs autres morceaux) et Boards of Canada (surtout "Winter Blossom", où surgissent même des voix d’enfants). Sur ce morceau, G.F.T. réussit l’exploit de redonner du tonus à une formule que les faux Canadiens d’Ecosse semblent avoir un peu trop diluée sur leur dernier album. G.F.T. semble d’ailleurs faire renaître tout ce qu’elle touche. Rappelons aussi le passage inévitable à travers le sillage d’Aphex Twin ou de génies du bidouillage plus jeunes, comme Telefon Tel Aviv (sur "The Fourth of Never", "This Half Is Mine" et d’autres). Dans cette forêt de références et d’héritages, Joëlle réussit pourtant à rester elle-même et à apporter des touches personnelles pleines de minutie et de couleur. Et puisque le vrai talent se forge toujours en passant par la case "imitation des maîtres", on est forcés d’attendre au tournant la suite de cet impeccable exercice de style : ça devrait être forcément brillant. Bon courage, Joëlle !
Gabriel Marian
Everybody Can Know
If You Ask Me
Winter Blossom (secretly dedicated to you)
This Half Is Mine
I Chose to Know You
We Will Remember It
East Wednesday
This One Is for You
Always I Will Love You. Always You
The Fourth of Never
Love, etc.
Lullabies for the Warriors