ANIMAL COLLECTIVE – Strawberry Jam
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A sa manière très particulière, ce disque peut dissuader d’écouter de la musique. D’écouter en tout cas la musique des autres, et ce pendant un bon moment. Est-ce le symbole même de l’échec ou la marque d’un très grand disque que d’occuper l’espace mental au point de réduire toute autre tentative artistique à une piètre et dispensable politesse ? Ce fut en tout cas mon expérience avec ce "Strawberry Jam" décidément très collant, au corps comme au reste. Je savais pourtant Animal Collective capable des fourberies les plus addictives, ayant passé des matinées entières à écouter "Grass" et ses compagnes de "Feels", quant au précédent album, "Sung Tongs", il ne m’avait pas non plus laissé en reste avec ses petites explosions folk qui ne ressemblaient surtout pas à du folk. Septembre 2007, "Strawberry Jam" débarque avec des tubes à plein pots. On pourra rester effrayé par les expérimentations des premières heures ou les performances scéniques fort déroutantes du groupe, il n’en reste pas moins que ce disque regorge de bonnes choses, mélodieuses à souhait, inventives, denses, incomparablement entraînantes : des vraies chansons. De vraies chansons qui restent évidemment l’oeuvre de jeunes gens virtuoses qui ne peuvent pas composer ou interpréter comme les autres. Les guitares acoustiques ont été échangées, sans doute dans une brocante de quartier, contre des engins qui font des bruits dans tous les sens, bruits qui s’agencent les uns aux autres dans une harmonieuse cacophonie néanmoins. L’organique a été méthodiquement éradiqué au profit d’un mur du son artificiel, épais de toute la verve créatrice transmise par ses quatre pilliers. Seules les voix garantissent la part d’animal forcément emblématique d’un groupe de ce nom, et elles remplissent fort bien leur mission, criant avec force une rage de vivre affirmée avec un entrain que le rock préfère d’habitude ignorer. "For Reverend Green" est tout simplement indépassable en termes d’énergie positive, de rage saine, de brutalité réjouissante et chaleureuse. Elle est sans doute difficilement dépassable aussi tout simplement en tant que chanson. Il n’y a aucune ironie dans le fait d’affirmer que cet album regorge de tubes, car à côté de cette chanson phare, des titres comme "Fireworks #1", "Chores" ou "Winter Wonder Land" se disputent la palme de morceau le plus enthousiaste et le plus enthousiasmant de l’année. Il devient de fait rapidement impossible d’écouter l’album sans avoir envie de l’écouter à nouveau. Et encore. Et encore. Et le monde devient vite fade sans "Strawberry Jam" comme bande-son.
Jean-Charles Dufeu
Strawberry Jam
Peacebone
Unsolved Mysteries
Chores
For Reverend Green
Fireworks #1
Winter Wonderland
Cuckoo Cuckoo
Derek