PJ HARVEY – White Chalk
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PJ Harvey aime changer de personnage d’un disque à l’autre. Même si "White Chalk" a été enregistré à Londres, elle semble s’être inspirée cette fois du romantisme de la campagne anglaise. Et à la première écoute, c’est l’étonnement qui domine. Les fans seront peut-être déçus mais pour les autres c’est au contraire une redécouverte des possibilités de la chanteuse, étouffées par certains disques précédents dont le pénible "Uh Huh Her". Loin du cliché rock’n’roll, PJ Harvey pénètre des territoires parfois abordés auparavant ("Electric Light", "The Garden" sur "Is this Desire") mais jamais explorés aussi profondément.
La voix, toujours très présente dans les disques de PJ Harvey, est le fil conducteur de "White Chalk". Ici, elle s’est transformée. Toute en aigus, elle trouve une nouvelle vie dans des accents éthérés et fragiles. Car, comme le souligne "When Under Ether", le disque baigne dans une atmosphère vaporeuse presque féerique. PJ Harvey joue "Wuthering Heights" dans son Dorset natal. Des arrangements aux sonorités médiévales (le refrain de "Dear Darkness", "White Chalk"), de nouveaux instruments (le piano remplaçant la guitare, la harpe, le banjo), des chœurs angéliques (le pont de "Grow Grow Grow" entre autres), des ondulations rythmiques ("The Piano", la valse de "Before Departure") créent un écrin fantasmagorique à l’album.
Tout est travaillé très précisément, chaque seconde est comptée et le disque trouve une réelle originalité et une homogénéité rares. En trente-quatre minutes, il montre une nécessité bienfaisante en ces temps de sorties pléthoriques souvent trop longues et imparfaites. Il est presque austère, telle la photo de la pochette où la chanteuse siège en robe blanche et longue. S’il y a du Björk dans "Broken Harp" par exemple, c’est la similitude avec l’univers de Kate Bush qui frappe et surprend : des thématiques semblables, le piano si présent, les chœurs et superpositions de voix, les refrains tortueux, les déviations impromptues et expérimentales et les cris primitifs. Car PJ reste quand même PJ et se lâche dans "The Piano" ("Oh God I miss you" incantatoire) et à la toute fin de l’album, dans "The Mountain", habité et terminé dans une sorte de transe.
Cependant, la pythie Harvey se sera bien retenue tout au long du disque, s’éloignant des tics et expérimentant une musique anachronique. Cet album n’est peut-être qu’un bref intermède dans sa discographie, mais son folk dépouillé et mystérieux s’apprête à hanter nos nuits pour longtemps.
Nadine M.
The Devil
Dear Darkness
Grow Grow Grow
When Under Ether
White Chalk
Broken Harp
Silence
To Talk To You
The Piano
Before Departure
The Mountain