THE SLEEPING YEARS – EP par Christophe Dufeu
Après une absence de sept ans, Dale Grundle, ancien membre des Catchers, revient discrètement à la musique sous le nom de The Sleeping Years. On avait gardé en mémoire, religieusement, des chansons comme "Beauty #3", "Song For the Autumn" ou "Deflect" pour leur sens de la mélodie – cela faisait grand bien en pleine Brit Pop – mais aussi pour la beauté des paroles, dénuées de tout cynisme. Les Catchers (et Dale Grundle en tête) apportaient grand soin à leurs productions (souvenez-vous des photos superbes de la pochette de "Mute"). La première bonne nouvelle, c’est que Dale Grundle revient avec une série de trois EPs ; la seconde, c’est qu’il n’a rien perdu de son exigence.
THE SLEEPING YEARS – You and Me Against the World
(Autoproduit)
Tout un programme : "toi et moi contre le monde" ; c’est en effet contre le monde entier que démarre ce premier EP délicat, essentiellement acoustique, loin des formatages habituels. C’est le plaisir de retrouver la voix chancelante de Dale Grundle en conquérant fragile ou en fuyard épuisé ("We’ve been running for so long"). Mais, des cinq titres (tous très bons) de ce disque, outre ce début entreprenant et un "How long have you waited?" final désabusé, on retiendra en particulier "The Lockkeepers Cottage" et "Dressed for Rain", deux petites merveilles séparées par la césure instrumentale de "The 22nd House". Ces deux titres, Dale Grundle nous le disait dans l’interview qu’il nous a accordée, ont été composés pour ses parents : difficile de ne pas succomber à la mélodie du premier, construit sur quelques pistes de guitares acoustiques et accompagné d’un harmonica traînant. Même constat sur le second, où le chanteur se replonge visiblement dans le passé de sa mère ("Little girl, it’s time to go, they’re waiting for you now") et où sons synthéthiques, riffs acoustiques et notes de piano finales s’entrelacent avec une élégance rare.
THE SLEEPING YEARS – Setting Fire to Sleepy Towns
(Autoproduit)
Sur le second EP, c’est d’entrée de jeu que l’on a droit à une petite perle : la chanson-titre, arpèges cristallins et guitares brillantes, voit s’envoler la voix du chanteur ; depuis quand n’a-t-on pas entendu une chanson pareille ? Vient alors l’étonnant "The Sleeping Years", qui en à peine plus d’une minute et en termes quasiment religieux raconte le retour (bien évidemment autobiographique) du chanteur à son activité de musicien. "Mascoquin, Coleraine" est un morceau probablement plus conforme à ce que nous attendrions d’une chanson irlandaise – un titre fort sympathique et assez enjoué. "Withonlythestarstoguideus", l’instrumental de ce EP surprend également : des nappes de synthés en apesanteur passent devant nous, sereinement, comme d’immenses raies mantas devant des plongeurs émerveillés – Dale Grundle tient à nous rappeler qu’il ne tient pas à se cantonner au rôle de chanteur folk et qu’il aime aller défricher de nouveaux territoires. Le disque se termine de manière plus conventionnelle avec "Kerscaven", un morceau calme et apaisé.
THE SLEEPING YEARS – Clocks and Clones
(Autoproduit)
Pas forcément évident de sortir ce disque de son cocon de carton gris-vert, après avoir déchiré selon les traits prédécoupés et découvert à l’intérieur des engrenages enchevêtrés ; mais une nouvelle fois, cela en vaut la peine : sur "Clocks and Clones", nappe de synthétiseur et accords doucement enchaînés laissent rapidement la place à la voix de Dale Grundle et à une de ces phrases mélodiques dont il a le secret. La chanson, qui se termine en canon fait une très belle entrée en matière. Et suivent "Nearly Got It Made", un titre à la fois serein et douloureux, et le plus joyeux "Streamlined" dont le piano joue une basse presque dansante. Changement d’ambiance sur "Untroubled", la voix se fait plus proche du micro et nous chuchote sa mélodie à l’oreille, sur fond d’arpèges acoustiques : une nouvelle fois, on retient son souffle avec l’impression de s’entendre confier un secret ; il faudra la tranquillité de "Strays" pour s’en remettre totalement. Aucun doute, ce retour tout sauf tapageur nous aura offert trois disques vraiment précieux – trois EP qui seront prochainement suivis d’un véritable album (à sortir sur l’excellent label Talitres), puisque le groupe entre en ce moment en studio.
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