HARMONIA – Live 1974
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De toutes les reformations, plus ou moins heureuses, auxquelles nous assistons depuis quelques années, celle d’Harmonia, groupe culte par excellence, est de loin la plus inattendue. L’occasion de cette reformation est la sortie d’un live totalement inédit.
Ce groupe méconnu à la très brève carrière a fait longtemps baver les geeks du krautrock et autres rats des dépôts-vente jusqu’à ce que leurs deux albums studio soient enfin réédités il y a quelques années. Il faut dire que ce groupe est composé de membres de deux des formations les plus essentielles de l’ère bénie du krautrock et à l’influence considérable. D’ailleurs, messieurs Eno et Bowie iront puiser sans scrupules dans leur son, histoire de parer leur carrière d’un nouveau vernis de modernité.
On trouve donc d’un côté, Cluster composé du duo Hans Joachim Rodelius et Dieter Moebius et leurs machines, adeptes d’expérimentations électroniques arides et des compositions en équilibre instable qui serviront de matériau de construction à une certaine scène ambiant et à la future électronica.
Et de l’autre côté, à la guitare, Michaël Rother, moitié de Neu ! Ex-Kraftwerk et inventeur avec son comparse Klaus Dinger de la Motorick Music. Avec sa rythmique asséchée, ses guitares qui jouent les broyeuses et son esthétique ultra minimaliste, Neu ! est le groupe krautpunk par excellence chez qui les plus finauds des futurs petits punks britons iront chercher une inspiration de premier choix.
Sous l’appellation Harmonia, la combinaison de ces deux identités donnera deux chefs-d’œuvres indispensables qui feront d’ailleurs dire à la critique anglaise Biba Kopft "de tous les grands groupes allemands des années 70, Harmonia est l’un des plus mystérieusement négligés".
Une carrière météorique donc qui commence en 1974 avec "Musick Von Harmonia" tout en pulsations et ballets de guitares et de Farfisa. Un chef-d’œuvre de kosmiche Musik version transe mélancolique. Puis "De Luxe" en 1975 , le trio est cette fois accompagné de Nami Meumeier, ex Guru Guru à la batterie, le son plus rock, la guitare nettement plus puissante et l’apparition de voix (on ne peut pas vraiment parler de chant) le situent entre "Zuckerzeit" de Cluster et "Neu ! 75" sorti au même moment.
Chose assez étonnante pour des musiciens qui jouent autant du studio que de leurs instruments et en dépit de chiffres de ventes assez désastreux, Harmonia se lance dans une mini tournée en Hollande et en Allemagne dont ce live donné à Griessem le 23 mars 1974.
Il ne s’agit pas de la captation live des titres de "Musik Von Harmonia" mais de ce qui pourrait en être la suite. Et pour notre plus grand bonheur tout le génie de "Musik Von Harmonia" est là. Le trio lance ses rythmes enregistrés sur un Revox pour mettre en place cette fameuse pulsation, puis les motifs de guitares et de synthés viennent s’entremêler pour créer de subtils mobiles sonores.
C’est peut être la musique la plus belle jamais produite pendant ces années, si belle et unique qu’elle en est presque indescriptible. C’est certainement Julian Cope, "l’über kosmische Druide", grand gourou du krautrock qui en parle le mieux : "chaque morceau d’Harmonia est une vignette de son qui apparaît dans une espèce de fondu, remplissant la pièce d’une beauté surnaturelle puis se dissipe comme elle est apparue. Comme si la musique éternelle faisait surface dans le monde réel".
Voilà, pas grand-chose à ajouter après ça si ce n’est, détail qui a son importance, que lors de cette mini tournée Brian Eno assista à l’un de ces concerts. Il en est sorti tellement chamboulé qu’il entama une collaboration longue de quatre albums avec le duo Rodelius et Moebius.
Hélas, cette reformation semble être bien éphémère puisque seulement deux concerts sont prévus (Berlin et Londres).
Cyril Lacaud
Schaumburg
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