CHAPTER – Two (The Biographer)
(Saïko records) [site]
Après un premier album, "One (Prologue)", il y a trois ans, voici le deuxième essai de Chapter, assez logiquement intitulé "Two (The Biographer)". Chapitre deux, donc, pour ce groupe aux origines britanniques, belges et suisses, composé de Thierry Van Osselt, compositeur et ingénieur du son, et d’Alexander J.S. Craker, auteur-compositeur-interprète, épaulés par deux musiciens additionnels. Le sous-titre résume le concept assez curieux du disque : à chaque chanson est associée une biographie, imprimée au-dessus des paroles dans le livret (qui, de fait, est présenté comme un petit livre, ou plutôt une plaquette, très soignée, avec typographie ancienne, enluminures, liserés encadrant les pages, celles-ci étant reliées par un fil assorti à la couverture, exemplaires numérotés, etc.). Alors qu’il est indiqué à chaque page que les textes mis en musique ont été écrits par ces personnes décédées ou par leurs proches, on apprend en lisant les crédits, à la fin, que toutes ces vies sont en fait fictionnelles, sauf celle du baron B.M. Craker, décédé en 2005, qui n’était autre que le propre père d’Alexander. En scrutant plus attentivement ces nécrologies apocryphes, on se rend compte que tous ces personnages imaginaires sont liés, sur le principe du "marabout-bout de ficelle" ou des degrés de séparation (le meilleur ami d’Alexander Ford était George Wyman, mari d’Andrea Ludke, elle-même grand-mère de Dan Goodman, etc.). La démarche, ambitieuse, rappelle un peu celle des Britanniques d’iLiKETRAiNS, dont les morceaux s’inspirent souvent d’événements historiques. Pour autant, on ne voit pas très bien où le duo veut en venir.
"Two" n’a de toute façon pas besoin de cet enrobage à la Perec pour être un bel album autant qu’un bel objet. On a un peu de mal à croire qu’il n’est le résultat que de deux semaines de travail à l’été 2006, comme il est précisé dans le livret ; en même temps, il s’en dégage une grande simplicité, celle des ouvrages qui ne sont pas restés trop longtemps sur le métier. Le son est pur, équilibré, à dominante acoustique, les lignes mélodiques claires, le chant sans affectation : à l’évidence, Chapter lorgne vers le folk, le rock et le blues américains, mais en affirmant une sensibilité tout européenne. On pense parfois à Idaho, à Swell ou aux Red House Painters, voire à des vieux R.E.M., pour les rythmes lents, la tonalité introspective. Des morceaux calmes et dépouillés alternent avec d’autres plus bluesy et électriques, à la batterie contondante et au chant plus affirmé. Aucune des dix chansons (oraisons ?) ne ressemble vraiment aux neuf autres, et pourtant le disque s’avère très homogène, au-delà de son concept un peu artificiel. Voilà un Chapitre qu’on relira volontiers.
Vincent Arquillière
Baron B.M. Craker (1946-2005) or A Puzzling Death
John Strafford (1934-1996) or The Colour of Summer
Andrew B. Floyd (1940-2003) or The Last Stand
William H. Connors (1914-1956) or The Long Way Home
Alexander M. Ford (1889-1950) or The Hard Times
Andrea Luske (1890-1968) or The Dreaded Loss
Dan L.J. Goodman (1944-2004) or A Hole in the Sky
Alfred Theodore Vanier (1913-1987) or The Aftermath of the Disaster
Morecambe Lowe (1919-2001) or An Act of Faith
Aaron Landvaart (1951- ) or The Farewell Party