FROG EYES – Tears Of The Valedictorian
(Ruminance / Pias) [site] – acheter ce disque
Quatrième opus pour ce groupe originaire de Victoria, en Colombie britannique. Outre le leader, Carey Mercer, à la guitare/voix, la formation (pour le coup au nombre de cinq) compte, notamment en son sein le claviériste Spencer Krug (membre de Wolf Parade). A l’écoute de la première plage, la filiation avec leurs compatriotes d’Arcade Fire s’impose immédiatement. Ce qui est livré par la suite, bien que fidèle à la mouvance pop/folk canadienne du moment, s’avère, toutefois, nettement plus déjanté et partant, il en émane un style personnel et relativement singulier. Sans retenue, nos Canadiens déclenchent une véritable déferlante qui emporte tout sur son passage. Le flux chaotique est à ce point tourmenté qu’il m’a fallu chausser mes oreillettes et enchaîner les écoutes pour être en mesure de déceler les subtilités de ce désordre finalement plus organisé qu’il n’y paraît, et me surprendre à savourer l’immense réservoir mélodique que renferme ce "Tears of the Valedictorian". La voix plaintive (souvent perçante, parfois chuchotée) du survolté Carey Mercer est profondément habitée et rappelle, par moment, celle de Bowie. Carey Mercer, à la limite des convulsions, exhale des textes torturés et sinistres à l’image du visage grave et névrosé qui jonche la pochette de l’album. Pourtant, contrairement à ce que le propos pourrait laisser penser, cet imbroglio de guitares revêches et énervées qui se bagarrent, au rythme d’une batterie saccadée, avec les claviers tantôt paisibles tantôt frénétiques de Spencer Krug, ne sature pas outre mesure l’atmosphère. L’opus renferme même de légers moments d’accalmie ("The Policy Merchant, the Silver Bay"; "… Eagle Energy"), propices au repos (bienvenu quand même), comme pour laisser à l’auditeur éprouvé le temps de reprendre son souffle et ses esprits. Avec "Tears of the Valedictorian", Frog Eyes, au sommet de son art, montre, à travers ce brouhaha faussement anarchique, ce qu’il y a de beau dans la laideur et entretient avec brio le paradoxe d’une musique libre mais travaillée, mélodique mais insaisissable.
David Vertessen
Idle Songs
Caravan Breakers, They Prey on the Weak and the Old
"Stockades"
Reform the Countryside
The Policy Merchant, the Silver Bay
Evil Energy, the Ill Twin of…
…Eagle Energy
Bushels
My Boats They Go