KELLY DE MARTINO – Honest
(Village Vert / PIAS) [site] – acheter ce disque
Sur la photo de pochette – gros grain, entre bistre et sépia -, Kelly De Martino a le regard un peu perdu et la bouche boudeuse, loin de toute pose glamour. "Honest", donc, titre de la première chanson et de ce deuxième album, recueil troublant d’intermittences du cœur et d’émotions mises à nu, ce qui n’empêche pas une scrupuleuse mise en forme.
La belle Américaine au regard un peu perdu, on l’avait justement un peu perdue de vue après le très beau "Radar" et la tournée française subséquente, en 2005. Elle préparait en fait la suite, à son rythme, entre la France et la Californie, la grisaille et le soleil. Pour la production de son disque, Kelly est restée fidèle à deux hommes, un sur chaque continent : Dominique Depret alias Mocke, de Holden, qui avait déjà fait des merveilles sur "Radar" ; et Evan Slamka, le compagnon de ses premières expériences musicales, qui a également écrit deux chansons.
"Honest" s’inscrit dans la lignée de son prédécesseur, avec un travail encore plus poussé sur les atmosphères (qu’on qualifierait volontiers de "lynchiennes" si ce n’était pas aussi rebattu). Ces torch songs flambées, cette americana perdue dans l’écho comme dans une galerie des glaces, cette lenteur percluse de silences, on les avait déjà croisées souvent dans la décennie précédente, chez Mazzy Star, Lisa Germano, Elysan Fields, Cat Power ou Julee Cruise. Kelly de Martino est leur héritière, sans doute, mais elle ne leur doit rien, et elle préfère d’ailleurs rendre hommage à George Harrison en reprenant son "Long Long Long". Malgré ces rapprochements évidents, il est désormais certain qu’elle possède un véritable univers, dont ses complices dessinent avec grâce les contours tremblés. On reconnaît ainsi la patte de Mocke, plus discrète toutefois que sur "Radar" (qui sonnait parfois comme du Holden anglophone), à travers notamment son délicat jeu de guitare jazzy. Ces sonorités flottantes, réverbérées, sont l’écrin idéal d’une voix envoûtante, légèrement fêlée, dont on ne sait trop si elle nous entraîne dans un rêve ou dans un (capiteux) cauchemar.
Vincent Arquillière
A lire également, sur Kelly De Martino :
la chronique de « Radar » (2005)
Honest
All This Breaking Down
Long Long Long
The Last Time
Delilah
Just Like You
Full of Blue
King of December
Scared
Marilyn Monroe