GREGOR SAMSA – Rest
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A la lumière (si l’on ose dire !) d’une pochette peu engageante, voire sombrissime, on se prend à craindre pour le moral de Gregor Samsa, et le nôtre par la même occasion. Cherchent-ils à nous faire prendre un ticket pour un exil (forcément sans retour) vers une lune noire et froide ? Et l’on se dit que le "Repos" promis pourrait bien s’avérer éternel. Ces craintes s’estompent cependant à l’écoute des lumineux et délicats "The Adolescent" et "Ain Leuh", diffuseurs d’une exemplaire et bienfaisante sérénité (à défaut d’être à proprement parler guillerets). Après un EP éponyme, puis "27:36" et "55:12", ce n’est pas uniquement dans le choix d’un titre pour une fois signifiant que ressort l’inflexion prise par Gregor Samsa. Il s’agit aussi de se défaire d’ambitions de bâtisseur de cathédrales pour se tourner vers l’orfèvrerie fine, alléger ses textures sans pour autant sombrer dans l’évanescence floue, ou plus simplement remplacer les envolées par l’élévation.
Et même s’il arrive parfois que le drame reprenne ses droits ("Abutting, Dismantling", "First Mile, Last Mile"), il le fait encore une fois de bien belle manière, en tout cas avec une louable retenue dans les effets. L’instrumentation n’y est pas étrangère, qui laisse de coté les guitares au profit de plus discrètes tonalités de piano.
Reste qu’à l’instar de ses précédents, l’objet nécessite toujours un certain investissement, ou du moins un lâcher prise propice à se lover dans ses volutes feutrées, pour mieux se faire porter ensuite lorsqu’un semblant de souffle se fait sentir. Comme par exemple au milieu de "Jeroen Van Aken", lorsque se suspendent les nappes vocales de Nikki King, le temps de repartir chevaucher une ligne de basse à la fois ronde et presque menaçante. Ou, dans une option plus mélodique, lorsque s’élancent quelques chorus cuivrés sur "Pseudonyms".
Avoir placé le plus ouvertement lyrique "Du Meine Leise" en final n’est qu’une illustration supplémentaire que sobriété et précision peuvent aussi devenir libératrices. Et qu’il existerait en quelque sorte une ligne claire de la noirceur.
Marc Schmit
A lire également, sur Gregor Samsa :
la chronique de « 55:12 » (2006)
la chronique du EP "27:36" (2004)
The Adolescent
Ain Leuh
Abutting, Dismantling
Company
Jeroen Van Aken
Randered Yards
Pseudonyms
First Mile, Last Mile
Du Meine Leise