RED ANTS – Omega Point
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A l’origine, ça n’était pas sensationnel les Red Ants. Avec leur rap sombre et engagé comme on n’en faisait plus depuis l’essor du rap indé, le trio canadien forçait sur la noirceur. Ton martial, beats rentre-dedans, bruit, imagerie science-fiction, rhétorique anti-capitaliste, pochette moche aux couleurs de l’anarchie, tout y était. La panoplie était complète sur « Phobos Deimos », ça ne respirait pas franchement la subtilité. Pourtant, il fallait bien reconnaître que des titres comme « Lots Wife », « Incendiary Objects » et surtout « Future Imperfect » tiraient leur épingle du jeu.
Avec ce tout nouvel album, même si le groupe ne semble plus se résumer qu’à Modulok et à Vincent Price (le troisième larron croupissait déjà en prison la dernière fois), c’est à peu près la même chose. La pochette nous sert une scène de cataclysme. Les sons sont unilatéralement froids et menaçants. Les rythmiques sont inéluctablement lourdes et appuyées. La science-fiction est toujours présente, ne serait-ce que par ce titre piqué à George Zebrowski. Et Modulok déclame toujours ses textes paranoïaques comme si l’Apocalypse était pour demain, donnant dans la théorie de la conspiration (« Keep Your Satellites Out of My Brain ») ou s’en prenant aux MC’s vendus (« A Kind of Grim »).
Une fois encore, les Red Ants nous envoient dans la figure leur hip hop de bourrin, avec une furie implacable assez proche de celle de Dälek, pas seulement par les thèmes politiques et par ce goût prononcé pour le bruit, mais aussi par cette capacité qu’a le rappeur de se mettre quelques temps en retrait et de laisser à la musique le temps de respirer. Ou d’empêcher l’auditeur de respirer, plus exactement. Souvent, la ressemblance avec le groupe de Newark en devient même frappante, dès « Amplification » et son mur du son, ses basses énormes.
Et tout cela, finalement, n’est pas déplaisant. Le second album des Red Ants est proche du précédent, mais les bons titres y sont plus nombreux, les moments d’ennui quasi inexistants, les sons plus travaillés et plus atmosphériques, le rap sait se retenir malgré les admonestations et le ton alarmé de Modulok. Le duo en fait beaucoup, mais pas trop. Et quelques passages comme « A Kind of Grim » ne sont pas loin de ressembler à des hits. « Phobos Deimos » avait encore de quoi laisser incertain et circonspect, mais « Omega Point », lui, fait pencher sérieusement la balance du bon côté.
Sylvain Bertot
Amplification
Dirty Space Alchemy
Insomnia
A Kind of Grim
Psychic Dictatorship
Versus
Keep Your Satellites Out of My Brain
Seasons
End Game