WILFRIED* – D’ailleurs
(Honey, It’s Me! / Abeille Musique) [site] – acheter ce disque
La pop rendrait-elle fou ? Six ans après "Songs for Mum and Dad", Wilfried* s’est libéré de son complexe d’Œdipe pour sombrer dans la schizophrénie et revient par la grande porte : celle de l’album-concept. "D’ailleurs" est un disque construit autour du dédoublement et du contraire, qui se revendique tant de "L’Éthique" de Spinoza que de Lewis Carroll, et dont les quinze titres se déploient en miroir : la première plage renvoie à la quinzième, la deuxième à la quatorzième, et ainsi de suite, telle une balle de ping-pong qui se rapprocherait sans cesse un peu plus du filet central – la huitième plage, pierre angulaire d’à peine quinze secondes portant le symbole de l’infini (un huit retourné, évidemment). Cet abîme vertigineux qui apparaît au fur et à mesure des titres plonge l’album dans une sorte de quatrième dimension troublante, invitant l’auditeur à expérimenter le passage du miroir. Ce principe, d’apparence tordue, devient alors potentiellement infini… à condition d’en accepter les règles du jeu. Car, comme la plupart des albums-concepts, "D’ailleurs" suscitera inévitablement de la méfiance : certains ne pourront s’empêcher d’en chercher les failles pour mieux pouvoir crier à l’imposture – et ainsi se rassurer de ne pas s’être laissé berner. À ceux-là, on ne peut alors que conseiller d’oublier le concept et d’écouter "Qui est avec moi", "Le ping-pong" ou "Neuf" et de prendre ces quatorze (plus une) chansons pour ce qu’elles sont : des petits bijoux de pop mélodique aux paroles sibyllines et aux refrains entêtants. Entouré, entre autres, de Burgalat, de Herman Düne, d’Arnaud Fleurent-Didier et de ses roommates, Wilfried* invente le concept de pop autoréflexive, à la fois cérébrale et ludique, et déjouant brillamment les pièges du narcissisme. Ici, le miroir ne reflète jamais aucun problème d’ego mal placé ni questionnement existentiel. Wilfried* est le premier spectateur de sa folie revendiquée et s’en amuse. Avec "D’ailleurs", il questionne le sentiment d’infini comme le fit en son temps Zénon et sa flèche : en puisant son énergie au cœur même du paradoxe.
Christophe Patris
D’ailleurs
Dos à dos
Qui est avec moi ?
Les coccinelles
Le chanteur de charme
Il est fou
Je suis une ombre
∞
Neuf
En ambulance
Annie
Le monde est merveilleux
Le miroir aux alouettes
Le ping-pong
Je marche dans la rue