SILVER JEWS – Lookout Mountain, Lookout Sea
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"Tout le monde peut jouer ces chansons." Modeste, ce David Berman… C’est bien le pilier des Silver Jews lui-même, désormais capitaine incontesté de ce noble vaisseau fantôme de l’indie rock, qui l’écrit sur les notes de pochette. Il dévoile même les seize accords sur lesquels les chansons sont construites. Seize accords, ni plus ni moins, qui, du reste, n’ont pas l’air si difficile à jouer, si l’on en croit les tablatures dessinées par le maître Berman. Bien sûr, aucune note ne précise en revanche que tout le monde peut les écrire, ces fameuses chansons. Berman est un malin avant d’être un modeste. Désormais complètement affranchi du malentendu aussi vivace que pesant qui voulait faire de Silver Jews un side-project de Pavement, le songwriter de "Lookout Mountain, Lookout Sea" a également pris son indépendance, en matière d’écriture, et s’est définitivement tracé une nouvelle route, loin de la désinvolture sous influence des débuts. Beaucoup plus finement arrangé, mieux chanté, cet album lorgne parfois vers une ambiance de vieux standards du honkytonk revus et corrigés par un homme néanmoins moderne et plein d’humour ("Open Field" ou "Suffering Jukebox" et son agréable refrain entonné à l’unission -ou peu s’en faut – par Monsieur et Madame Berman en sont une agréable illustration). La voix prend tout son potentiel sépulcral sur des titres majestueux tels que le morceau d’ouverture et "My Pillow is the Threshold", surtout lorsque l’on sait ce que Berman a traversé ces dernières années (drogues dures, dépression et tentative de suicide en gros) avant de parvenir à un album, qui a finalement la grande élégance d’être beaucoup plus drôle que désespéré. Bien sûr, notre rescapé n’est pas passé sans séquelles de Stephen Malkmus à Johnny Cash, et certains morceaux témoignent encore de son attachement à des valeurs proprement indie-rock. Sur "San Francisco B.C." ce sont les guitares du Velvet Underground, sur quelques lignes éparses, la nonchalance tellement… Pavement. Bon. Quoi qu’il en soit, Berman a certainement atteint avec ce disque ce qu’il n’avait jamais réellement maîtrisé auparavant : une écriture racée et sûre d’elle qui ne repose plus seulement sur des textes brillants et quelques intuitions de derrière les fagots. Tout le monde peut jouer ces chansons, certes. Ce qui ne signifie pas qu’elles ont été écrites par n’importe qui.
Jean-Charles Dufeu
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Suffering Jukebox
My Pillow Is the Threshold
Strange Victory, Strange Defeat
Open Field
San Francisco B.C.
Candy Jail
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