CHRISTOPHE – Aimer Ce Que Nous Sommes
(AZ / Universal) [site] – acheter ce disque
Insaisissable. Paradoxal. Lettré. Beaucoup d’adjectifs pour définir Christophe. Mais aucun n’arrive vraiment à cerner cet authentique oiseau de nuit, qui dissémine depuis quarante ans ses chansons pop gorgées d’expérimentations sonores. Depuis son grand retour en 2004 avec "Comm’ si la terre penchait" et une série de concerts extraordinaires, on a beaucoup glosé sur le contenu de ce nouvel album. Tout juste savait-on qu’il s’était adjoint les services soniques de Christophe Van Huffel de Tanger. Ou qu’il avait sollicité Carmine Appice, batteur de Vanilla Fudge, pour certains titres. Et soudain… tant de choses à dire sur cet album qu’on tient entre nos mains. Se rapprochant des visions d’un Gérard Manset, ou des manipulations sonores d’un Alan Vega, Christophe nous livre un opus d’une maturité inouïe. L’album se déroule comme un film, dont Isabelle Adjani déclame les premières phrases, jusqu’au générique de fin lu par le grand Daniel Filipacchi, créateur de "Salut les Copains" et l’un des premiers promoteurs du rock en France. L’album est arrangé par Eumir Deodato, symphoniste connu pour ses merveilles sonores sur "Homogenic" de Björk. Les cordes se faufilent entre les beats et synthétiseurs programmés avec un soin maniaque. Toujours entre tradition et modernité. Car tout le secret de Christophe est là : fou de blues et de rockabilly mais également un des premiers utilisateurs européens du synthétiseur et du sampler, fou de Little Richard et dingue de Suicide. Sa marque de fabrique tient dans la confrontation de ces deux mondes. Ainsi, si l’on trouve bien sur ce disque une ou deux chansons pop traditionnelles, comme "Tonight Tonight", dans laquelle se télescopent Depeche Mode, les Buggles et la new-wave, "Aimer ce que nous sommes" est, dans son ensemble une invocation des fantômes revenus des paradis perdus. Musicalement plus dense et varié que son prédécesseur, le disque constitue la quintessence des obsessions de son auteur. "Panorama de Berlin", belle comme la bande-son d’un film de David Lynch, entre noirceur de la nuit et cut-up rempli de Velvet Underground, de sexe et de lumières artificielles. "Stand 14", ode aux bolides, sonne justement comme "Autobahn" de Kraftwerk, avec ce synthétiseur vintage traversé de larsens de guitare grinçants comme un froissement de tôle, l’harmonica qui s’emballe, le rythme qui s’accélère, puis le fade-out, comme une Ford Mustang qui part dans le lointain avec Steve McQueen au volant. Mais l’apothéose du disque se trouve à la quatrième plage. En effet, dans "It Must Be a Sign", tout s’emmêle. Sur une mélodie free au piano, la voix au vocoder de Christophe apparaît, suivie des mots poignants et magiques de la photographe Denise Colomb… Et les cordes démarrent. Des chœurs d’enfants, portés par une mélodie andalouse, et la batterie de Carmine Appice… Toute la vision de Christophe est contenue dans ces cinq minutes de pur bonheur. Ce disque, symboliste et hanté, est beau comme du Gustave Moreau.
Frédéric Antona
Wo wo wo wo
Magda
Mal comme
It Must Be A Sign
T’aimer fol’ment
Tonight Tonight
Panorama de Berlin
Stand 14
Interview de…
Odore di femina
Tandis que
Parle-lui de moi
Lita
Les Voyageurs du train…