PATTI SMITH – KEVIN SHIELDS – The Coral Sea
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Patti Smith – Kevin Shields : deux icônes, deux précurseurs d’un rock érudit et néanmoins instinctif – l’affiche du double album « The Coral Sea » est donc alléchante. Mais laissez-moi dissiper tout de suite un malentendu : si on entend bien (et de manière continue) de la musique sur ces deux disques, « The Coral Sea » n’est pas un album classique de chansons mais un album sur lequel Patti Smith déclame un fort long poème sur un fond sonore, créé par Kevin Shields ; bref, un album de poésie, tapissé de musique.
Et ce poème, c’est, selon Patti Smith, une manière de donner à son ami de toujours, le photographe Robert Mapplethorpe, mort du SIDA en 1989, autre chose que ces larmes qui l’ont envahie lors de l’agonie douloureuse de son ami. Le double album regroupe deux enregistrements live d’une heure environ et légèrement différents de cette lecture de « The Coral Sea » : l’un date de 2005 et l’autre de 2006. Shields improvise à la guitare (et aux effets), créant des atmosphères éthérées et inquiétantes, à mi-chemin entre le « A Dream » de Lou Reed et John Cale et certains passages de la B.O. de « Dead Man » de Neil Young ; sur la fin de chacune des prestations, la tension monte et la musique prend alors plus d’importance, accompagnant l’exaltation de la voix de Patti Smith. On sent – comme toujours – la chanteuse très investie dans ce projet, lisant avec passion son propre texte, chantant sur de rares passages et emportée par moments par le lyrisme de son texte.
Mais pour apprécier pleinement ce disque, mieux vaut bien maîtriser la langue de Shakespeare, et apprécier les accents empruntés à Kerouac de la poésie de Patti Smith où « les fils de la musique forment un cocon » et où l’on regarde « la manière dont les étoiles diffusent leur lumière » ; on pourra sinon, se laisser porter par la musique de ces mots, subtilement accompagnés, ou en piocher de temps à autre quelques passages, comme on feuillette un livre de poésie.