SLOW RUNNER – Mermaids
(Autoproduit) – acheter ce disque
Ne nous laissons pas abuser par l’apparent oxymore du nom du groupe (à moins que ce ne soit une fourbe allusion aux performances de nos sprinters aux derniers JO) : sur ce "Mermaids", pas de sirène en excès de vitesse, on va effectivement lentement. On le fait exprès, on prend son temps.
Cet éloge de la lenteur commence par laisser perplexe – le premier morceau de cet album, instrumental de surcroît, semble ne mener à rien tellement il file lentement vers son terme – abrupt. "Horse Armor", la ballade neurasthénique au piano qui lui succède, est du style que j’aurais plutôt vu en avant-dernière plage : faudrait-il prendre cet album à l’envers ? Non, la magie commence à opérer sur son frémissant pont instrumentale, très habilement amené, et surtout dès le troisième morceau, "The Stakes Were Raised", où l’on se sent comme dans un rêve et aussi un peu comme dans un vieux tube des années 80 dont j’ai oublié le titre (c’est peut-être "When Your Heart is Weak", de Cock Robin… ouais, je sais, ça craint. Mais saupoudré de la crédibilité d’un groupe indie américain encore inconnu dont le chanteur ne chante pas du tout comme Peter Kingsbery, ça passe non ?).
Car en plus d’être un habile songwriter, c’est un grand chanteur, ce Michael Flynn, qui laisse traîner magnifiquement sa voix endormie le long de ces (seulement) neuf morceaux. Tel un James Mercer sous Tranxène, il exécute au ralenti ses pirouettes mélodiques au-dessus du rythme bonhomme de "Make You Love Me", emprunté à un vieux synthé-jouet Casio des années 80, de la progression presque revigorante de "Trying to Put Your Heart Back Together", ou du jazz stylisé de "She Wants to Wrap Her Legs Around the World" (reprise de Costello circa 1989 ?). Ajoutons à cela un sens certain de l’arrangement, du petit détail sonore bien senti et varié, et un talent pour des textes qui sonnent juste, quoique pétris de rebattus drames sentimentaux et l’on obtient un album très attachant, sans esbroufe, certes moins spectaculaire qu’un "Chutes Too Narrow", mais dont l’effet s’annonce durable.
En frottant – lentement… – deux cailloux, Slow Runner fait jaillir des étincelles. Comme quoi, rien ne sert de courir… et moi je suis bien embêté, car j’ai déjà utilisé cette chute pour la chronique du dernier James Yorkston. Alors je vais plutôt courir (lentement) écouter "Shiv!", deuxième album qui a précédé de quelques mois ce "Mermaids" et qui est décrit par son auteur comme plus "rock’n’roll". Je me demande à quoi ça peut bien ressembler, le rock’n’roll selon Michael Flynn.
Guillaume
Mermaids
Horse Armor
The Stakes Were Raised
Trying to Put Your Heart Back Together
Love and Doubt
She Wants to Wrap Her Legs Around the World
Make You Love Me
I’m Gonna Hate You When You Go
Snow Tires