BOB DYLAN – The Bootleg Series, Vol. 8: Tell Tale Signs – Rare And Unreleased 1989-2006
(Columbia / Sony BMG) – acheter ce disque
Il y a un énorme malentendu à propos de Bob Dylan. Voici un artiste, qui parce qu’il chante des trucs du style : "Lorsque les femmes au visage en gelée éternuent / Écoute celle à la moustache dire : mon Dieu je ne trouve plus mes genoux" ; qui parce qu’il s’amuse à changer l’orchestration, les accords, et les paroles de ses chansons en concert ; qui parce qu’il a pu influencer des gens aussi divers, que Springsteen quand il chante, Nana Mouskouri quand elle braille, et moi-même quand je vais chercher de l’essence, quand je monte un meuble Ikea, quand je regarde un match de basket, quand je vis donc (je ne vous ai mis que les moments les plus palpitants). Voici donc quelqu’un, qui pour ces quelques raisons (et mille autres qu’il serait trop fastidieux d’énumérer ici) apparaît comme particulièrement hermétique. Or avec Bob Dylan au contraire, tout est simple (vous saurez pourquoi si vous lisez cette chronique jusqu’au bout).
Il faut bien dire que le Sphinx (il partage au moins quelque chose avec Robert Herbin) a pu, par sa discographie pléthorique, en plus des raisons susdites, apparaître à ses fans, comme particulièrement ardu à suivre. Prenez les "Bootleg Series", le principe en est assez simple : Bob Dylan ayant été l’artiste le plus piraté, Columbia depuis 1991 a décidé de sortir des bootlegs officiels. Il y a ainsi aujourd’hui 8 volumes de cette collection. Mais pour compliquer les choses, si vous avez acheté ces 8 volumes, vous avez effectué 6 achats. En effet le premier coffret des Bootlegs series regroupe dans un triple CD, les volumes 1 à 3. Les volumes 4, 5, 6, 7 et 8, étant quant à eux des doubles CD. Enfantin, non ? De la même façon, et sûrement dans un louable effort pédagogique à destination des personnes qui accrocheraient avec retard les wagons de la dylanerie, le volume 7 est la bande originale de "No Direction Home", le documentaire que Martin Scorcese a réalisé sur Dylan, et les volumes 4, 5 et 6 sont des lives respectant parfaitement une logique chronologique (le volume 4 reprend un concert de 1966, le 5 un de 1975 et le 6 un de 1964). Si vous avez décroché, j’assure une permanence téléphonique, tous les jeudis de 14h13 à 14h27, les appels étant bien évidemment surtaxés.
Le volume 8 de ces fameuses "Bootleg Series", qui sort ces jours-ci, reprend quant à lui, la même idée que les volumes 1 à 3, c’est-à-dire des morceaux rares, des inédits, des versions alternatives et des extraits live. Et comme les choses ne sont décidément jamais simples, les périodes concernées se chevauchent. Les volumes 1 à 3 couvrent la période 1961-1991, le volume 8 traite de la période 1989-2006, ce qui a par exemple comme conséquence, de trouver sur le volume 8, une version alternative de l’admirable inédit "Series of Dreams", disponible sur le volume 3. Vous en connaissez beaucoup vous, des versions alternatives d’inédits ? Enfin précisons (mais là c’est vraiment pour chipoter), que si les volumes 1 à 3 suivaient un strict ordre chronologique, rien de tel avec le volume 8.
Alors que vaut-il, ce "Tell Tall Signs" ?
Il permet tout d’abord de répondre à la question suivante (que personne ne se pose à part moi) : "Oh Mercy", et "Time Out of Mind" ne valent-ils que pour la production de Daniel Lanois ? On connaît l’histoire. A la fin des années 80, Bob Dylan est au fond du trou, Bono (déjà christique à l’époque) lui propose d’enregistrer avec le Canadien responsable du son de "The Joshua Tree". De ces sessions naîtra le formidable "Oh Mercy", la recette étant reconduite en 1997, pour le non moins formidable "Time Out of Mind". "Tell Tale Signs" présente ainsi une version alternative du délicieux "Most of the Time", et des chansons recalées (on se demande bien pourquoi) des albums susnommés. Ces enregistrements qui portent moins la patte Lanois, montrent à quel point, Bob Dylan a su rester un très grand songwriter (on avait de toute façon pu s’en apercevoir avec "Modern Times" et "Love And Theft").
"Tell Tale Signs" permet ensuite de constater, que pour peu qu’on aime les voix cassées, éraillées, abîmées (qui a dit complètement niquées ?), Bob Dylan est un très grand interprète, comme le démontrent les quelques extraits lives ici réunis (dont une à Dunkerque ! Et pas Dunkerque, Texas ou Nouveau Mexique, non, non Dunkerque, France…).
Enfin, le double CD contient son lot d’inédits dont un "Red River Shore", échappé des sessions de "Time Out Of Mind", qui en 7 minutes contient au minimum toute l’oeuvre de Calexico (je dis ça parce que y a un accordéon, on a les références qu’on peut), et qui une fois l’écoute terminée, permet de se poser la sempiternelle question, qu’amène l’audition d’un chef-d’oeuvre de Bob Dylan : "Et elle est où la concurrence ? Hein, elle est où ?"
Simple, non ? Je vous l’avais bien dit.
Emmanuel Beal
A lire également, sur Bob Dylan :
la chronique de « Live 1964 » (2004)
Disque 1
Mississippi (Unreleased, Time Out of Mind)
Most of the Time (Alternate version, Oh Mercy)
Dignity (Piano demo, Oh Mercy)
Someday Baby (Alternate version, Modern Times)
Red River Shore (Unreleased, Time Out of Mind)
Tell Ol’ Bill (Alternate Version of song released on North Country soundtrack)
Born in Time (Unreleased, Oh Mercy)
Can’t Wait (Alternate version, Time Out of Mind)
Everything is Broken (Alternate version, Oh Mercy)
Dreamin’ of You (Unreleased, Time Out Of Mind)
Huck’s Tune (From Lucky You soundtrack)
Marchin’ to the City (Unreleased, Time Out of Mind)
High Water (For Charley Patton) (Live, August 23, 2003, Niagara Falls, Ontario, Canada)
Disque 2
Mississippi (Unreleased version #2, Time Out of Mind)
Blues (Unreleased, World Gone Wrong)
Series of Dreams (Unreleased, Oh Mercy)
God Knows (Unreleased, Oh Mercy)
Can’t Escape from You (Unreleased, December 2005 Recording)
Dignity (Unreleased, Oh Mercy)
Ring Them Bells (Live at The Supper Club, November 17, 1993, New York, NY)
Cocaine Blues (Live, August 24, 1997, Vienna, VA)
Ain’t Talkin’ (Alternate version, Modern Times)
The Girl on the Greenbriar Shore (Live, June 30, 1992, Dunkerque, France)
Lonesome Day Blues (Live, February 1, 2002, Sunrise, FL)
Miss the Mississippi (Unreleased, 1992)
The Lonesome River (With Ralph Stanley, from the album Clinch Mountain Country)
Cross the Green Mountain (From Gods and Generals Soundtrack)