Voilà bien un album qui était largement annoncé, qui plus est comme étant brillant. Comme Animal Collective, fidèles à leur habitude, avaient déjà largement étrenné une bonne partie des titres en concert, il s’agissait somme toute d’une prédiction assez peu risquée. A vrai dire, on n’est pas mécontent de cette nouvelle réussite, puisqu’il nous semblait que d’aucuns, sans doute tout aussi prompts à suivre la hype qu’à guetter avidement le retour de bâton qui peut suivre, auraient fait leurs choux gras d’un plantage, ou du moins de l’amorce d’un déclin. Ce ne sera pas pour cette fois donc.
On préfèrera plutôt se demander, à l’heure où les suivants se font de plus en plus nombreux, pourquoi continuer à les préférer, eux. Peut-être parce que, pour sophistiquée qu’elle soit, et au-delà de tout l’attirail sonore toujours aussi riche qui la baigne, cette musique continue néanmoins à rester étonnament instinctive. Je veux parler de cette capacité à subitement partir en vrille, et au milieu du bizarre, de larguer les amarres dans une embardée qui va provoquer une vibration ou je ne sais quoi au niveau du cerveau reptilien, qui va donner envie de se trémousser ou au contraire, juste de s’asseoir là pour partir dans une dimension inconnue. Quand on ne passe pas en un instant d’un état à l’autre, comme sur l’inattendue et bien belle transition depuis les profondeurs amniotiques de « Daily Routine » vers l’ensoleillé et très pop « Bluish ».
Auparavant, il n’aura pas fallu bien lontemps pour que « In the Flowers » se positionne dans la seconde catégorie. Que dire alors du sublime My Girls, paradoxe de (relative) simplicité dans l’instrumentation et de sophistication dans ses canons (on l’imagine très bien chanté a cappela d’ailleurs) ?
Après que, d’entrée de jeu, le décor a été ainsi posé, la suite enchaîne sans relachement les pulsations vibratoires (« Summertimes Clothes », ou un « Brothersport » que vous pourrez presque sortir lors de votre prochaine animation de mariage) et les petits grands bonheurs vocaux (« Taste », « Guys Eyes »). C’est d’ailleurs bien la prééminence des voix, déjà fondamentales dans les deux derniers opus, qui marque celui-ci. Avey Tare et Panda Bear empilent plus que jamais leur chant, n’hésitant pas à forcer les choeurs jusqu’à une déclamation totalement libérée et solaire.
De quoi largement écarquiller les oreilles de tous ceux qui essaient de leur ressembler, alors que eux continuent encore de se renouveler en restant eux-mêmes, et de ne ressembler à rien d’autre.