MORRISSEY – Years Of Refusal
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Comme tant d’albums, on parle du contenu du nouveau Morrissey avant même sa sortie. Les impressions des fans ayant écouté le disque en avant-première se répandent déjà sur les blogs et forums. Les résultats sont assez mitigés : certains crient au génie, d’autres trouvent que l’album sonne très américain, avec trop de guitares en avant, et des mélodies parfois insuffisantes. Dur de discerner le vrai du faux. Et puis, l’album m’arrive. Et cette question cruciale qui revient sans cesse : qu’attendre de Morrissey en 2009 ? Une suite de "Strangeways, Here We Come" ? Un concentré du vécu britannique, né des introspections d’un des plus grands paroliers du rock, illuminé de mélodies ahurissantes ? Ou bien un disque juste pas mal ? Cela fait 22 ans que l’on attend que Morrissey trouve un mélodiste aussi magique que Johnny Marr, mais il tarde à venir. Alors, on fait avec Boz Boorer. Et la sortie de chaque nouvel album du Moz reste pour moi un évènement. Depuis son grand retour en 2004 avec "You are The Quarry", en fait. J’attends les disques de Morrissey avec le souhait plus ou moins avoué d’être autant bouleversé par la nouvelle livraison que je l’ai été la première fois que j’ai écouté "You Just Haven’t Earned it Yet, Baby", ce morceau fantastique des Smiths qui reste pour moi un des plus grands morceaux pop du siècle dernier.
Après un "Ringleader of The tormentors" en 2006, produit par Tony Visconti et très arrangé, ces "années de refus" tranchent assez sauvagement avec les ambiances anglaises des précédents opus. "Something is Squeezing My Skull", qui ouvre l’album, est remplie de guitares compressées, tout comme "All You Need Is Me", qui frappe par l’énormité du son. Il est indéniable que ces sonorités enlèvent une part de la finesse attachée aux albums de Morrissey. Si, dans "Southpaw Grammar", paru en 1995, le Moz avait déjà fait parler l’électricité, la tension des morceaux rendait leur utilisation intéressante et justifiée. Ici, les guitares masquent certaines faiblesses sur le plan mélodique. L’album compte néanmoins des moments intéressants : la ballade "I’m Throwing My Arms Around Paris", que le chanteur avait déjà testée depuis plusieurs mois sur scène, et qui repose sur une mélodie tout en finesse et arpèges de guitares ; "When I Last Spoke to Carol", qui sort du lot par ses arrangements à cordes et ses trompettes mariachis ; "You Were good in Your Time", ballade millésimée, ou enfin "It’s Not Your Birthday Anymore", qui nous réserve une très belle prestation vocale du Morrissey. A ce titre, l’album est très réussi, Morrissey parvenant à donner une dimension plus brumeuse à sa voix. Il manque malgré tout à cet album la beauté mélancolique qui s’attache tant aux textes de Morrissey, avec les Smiths ou dans les premières années de sa carrière solo. En s’éloignant de la perfide Albion pour poser ses valises en Californie, Stephen Patrick M. semble avoir perdu, au passage, un certain sens de la diversité musicale. Et si les textes sont toujours à la hauteur de la légende, point ici de trace d’un "Panic" ou d’un "This Charming Man" de 2009. Toujours séduisant, mais plus enchanteur. Suis-je un conservateur ? Un traditionaliste de la pop ? A coup sûr. Mais tout est de la faute aux Smiths, et à leurs disques essentiels.
Frédéric Antona
A lire également, sur Morrissey :
la chronique de « Ringleader of the Tormentors » (2006)
la chronique de « Live at Earls Court » (2005)
la chronique de « You are the Quarry » (2004)
Something is Squeezing my Skull
Mama Lay Softly on the Riverbed
Black Cloud
I’m Throwing My Arms Around Paris
All You Need is Me
When Last I Spoke to Carol
That’s How People Grow Up
One day Goodbye Will Be Farewell
It’s Not your Birthday Anymore
You Were Good in Your Time
Sorry Doesn’t Help
I’m OK by Myself