SHOLI – S/t
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Originaire de San Francisco, Sholi est un trio composé du guitariste Payam Bavafa, du batteur Jonathan Bafus et du bassiste Eric Budd. Avant ce premier LP, Sholi avait publié un superbe et étrange 45 tours composé de deux reprises : l’une de Googoosh, populaire chanteur iranien réduit au silence après la Révolution Islamique en 1979, l’autre de Joanna Newsom ("Sprout and the Bean"), ainsi qu’un EP Live, "Dreams Before People", offert gratuitement sur leur site et dévoilant les prometteuses capacités scéniques du combo, étonnant de justesse et de recyclages rythmiques en tout genre, qu’ils ont pu développer en tournant récemment avec Iron & Wine, Fleet Foxes, Blitzen Trapper ou encore Xiu Xiu. Ce premier album, donc, produit par Greg Saunier (Deerhoff) et signé sur Quarterstick (Calexico, TV On The Radio, Blonde Redhead, Slint) confirme amplement les excellentes impressions que nous avait laissées leurs précédentes productions, dans ce registre casse-tronche qui fait le grand écart entre math-rock matiné de free jazz et rock acoustique tendu au cordeau. Lâché sur les rails à une vitesse supersonique avec l’épatant "All That We Can See…", faux exercice de bricolage pop à la Efterklang ou Wolf Parade, débutant comme une tentative pour trouver le bon climat sonore, avec son lot de breaks, d’accords simplets et de claviers poisseux, le disque est loin de ralentir par la suite, avec un "Tourniquet" aussi bizarrement foutu qu’une chanson de Pavement, semblant toujours fonctionner sur un faux rythme avec des crescendos retombant aussi sec, butant toujours sur un refrain fichtrement sympathique, et un "November Through June" particulièrement enivrant. Il y a de quoi s’exploser les tympans tout au long de l’album, si l’on écoute attentivement, comme sur ce "Spy in the House of Memories" qui réussit à être tout aussi planant qu’extrêmement furieux… La plupart des titres durant pas loin de six minutes, Sholi joue à fond la carte de la dissimulation, le premier couplet, souvent trompeur, ne donnant que peu d’indications sur la suite des opérations. Je vous laisse découvrir…
Le groupe semble toujours soucieux de ne point en faire trop, et, il est vrai, il leur serait extrêmement aisé avec une armada pareille de défier Interpol ou Editors sur leur propre terrain ("Any Other God") et d’envoyer à l’abattoir un cheptel entiers de vaches maigres aux pis tombant mollement ras des prés (Bloc Party, Cold War Kids, White Lies…). Mais non… pas trop de reverb, pas de gratte doublée, de mix fleur au fusil. Sholi préfère jouer à l’ancienne, quitte à sembler quelque passéiste, ou alors se foutre complètement de tenir toutes les trente secondes un permis menant tout droit à la couverture du NME et aux Ipods des pantins décérébrés de la rive gauche.
Peu importe : le groupe dispose d’une sacrée dose de savoir-faire et d’un authentique désir de lécher les marges. Les chansons sont incessament en mouvement grâce au jeu étourdissant du batteur Jonathan Bafus, brisant le rythme chaque fois qu’il lui est possible, relançant la mélodie avec deux coups de caisse claire bien sentis, lâchant les chiens en alternant petites touches impressionnistes et impeccables roulements, entre lesquels se faufilent d’intenables constructions minimalistes ne durant que quelques secondes mais offrant aux chansons d’imprévisibles micro-événements renouvelant sans cesse l’intérêt de l’auditeur ("Dance for Hours"). On pourrait d’ailleurs rapprocher son jeu de ceux, en plus modeste, de Jim Keltner ou de l’extraordinaire Billy Higgins. Le tempo accélère, ralentit, stoppe net, repart deux fois plus rapide qu’au départ, avec beaucoup de naturel. D’ailleurs, Saunier a fait en sorte que la section rythmique joue toujours plus ou moins en sourdine, ou en tout cas clairement, ce qui n’est franchement pas pour me déplaire.
Ce premier album a toutes les qualités pour être une espèce de réponse au rock indé américain du début des années 90. Malheureusement on est en 2009, les gens veulent du très lourd, du radiophonique et le disque de Sholi a toutes les chances de passer totalement inaperçu. Le contexte est une putain qui tombe toujours sur les mauvais clients…
Julian Flacelière
All That We Can See
Tourniquet
November Through June
Spy in the House of Memories
Any Other God
Dance for Hours
Out of Orbit
Contortionist