ELVIS PERKINS – Elvis Perkins In Dearland
(XL Recordings / Beggars) [site] – acheter ce disque
Voilà un disque qu’il semble de bon ton de trouver "décevant", de frapper du fameux syndrome du second album qui touche tout enregistrement n’accomplissant pas "les promesses" du premier, ne créant plus "l’effet de surprise" attendu, tout disque qui "laisse sur sa faim" l’auditeur, forcément énamouré depuis un "coup de foudre" initial et désormais prêt à jeter son dévolu sur un peu de nouveauté frétillante. Hormis la critique de Libération, "Elvis Perkins in Dearland" n’a apparemment pas séduit les foules, donc pas rempli le supposé cahier des charges qui lui était imparti. Contresens. Attendre d’un storyteller comme le fils Perkins qu’il vous refasse le coup de la surprise, qu’il se propulse "dans une dimension supérieure", qu’il dégaine son album électro ou devienne expérimental, c’est un peu croire au Père Noël ou imaginer que votre cousine Coralie change de sexe, c’est un espoir crétin qu’il faut vite transformer en illusion perdue. Parce qu’on peut supposer qu’Elvis Perkins n’a pas grand-chose à faire de l’avant-garde, et qu’il se préoccupe surtout d’écrire de bonnes chansons, on peut remiser au garage ses attentes et se contenter de ce qu’il nous propose, à condition de bien l’écouter. Certes, le tonitruant "Shampoo", avec sa voix superlative, ses lyrics référencés, son harmonica à la Dylan, son orgue et ses chœurs brass-band, a du cachet et semble donner le ton, mais peut-on juger ce qui suit à l’aune de ce premier morceau qui assume parfaitement la jointure avec le précédent album ? De ballades alanguies ("Hours Last Stand") en blues électrique ("I’ll Be Arriving"), le chanteur trouve une diversité de compositions et d’atmosphères qui échappera à l’écoute superficielle. Par ailleurs, il ne sacrifie en rien son goût des histoires au long cours ("Send My Fond Regards to Lonelyville") ou des coups de pied ironiques au destin ("Doomsday"). Comme, de plus, il chante de mieux en mieux (aussi bien dans l’étirement mélancoliques des syllabes que dans l’éclat rythmique), qu’ il baigne dans son groupe (Elvis Perkins in Dearland) comme un poisson dans l’eau, et qu’on a hâte d’entendre ces morceaux-là sur scène, on renverra les fâcheux et les éconduits à leurs attentes stériles, et on se contentera d’écouter, avec l’intensité et la fréquence qui nous plaisent, cette collection de très belles chansons. Car il semble bien que, comme un Damien Jurado ou un Ron Sexsmith, Elvis Perkins se contente d’aimer la musique en artisan et de soigner son travail. Le grave malheur, assurément.
David Larre
A lire également, sur Elvis Perkins :
l’interview (2007)
la chronique de « Ash Wednesday » (2007)
Shampoo
Hey
Hours Last Stand
I Heard Your Voice in Dresden
I’ll Be Arriving
Chains, Chains, Chains
Doomsday
123 Goodbye
How’s Forever Baby