JIL IS LUCKY
(Roy Music / EMI) [site] – acheter ce disque
Le premier contact avec Jil Is Lucky est, comment dire… déroutant. La pochette du disque représente le musicien et des genres de Biomen croisés tantôt avec un rabbin, tantôt les rois mages, etc. Bref, autant avoir le coeur bien accroché, parce que l’on pourrait croire que l’on tient entre les mains un vilain CD remix des génériques de dessins animés des années 90, alors que non. Pas du tout. Si c’était le cas, serais-je en train d’écrire ces lignes ? Sûrement pas non plus.
JIL (acronyme de Jil Is Lucky, malin, non ?) erre tout le long de ce premier disque, et si l’on en croit sa biographie, il a bien bourlingué, et cela se ressent dans sa musique. Dit comme ça, on dirait un cliché de plus, mais le jeune français est vraiment doué pour osciller entre plusieurs états, plusieurs atmosphères. On devine par exemple des influences tziganes dans le violon de "Judah Loew’s Mistake" et son final enjoué, à moins que ce ne soit Jack the Ripper qui soit évoqué, avec toutefois une dimension énergisante que n’avait pas toujours le groupe parisien. Si "Winter Is Over" et "J.E.S.U.S. Said" ouvrent le disque sur une touche très pop (choeurs à la I’m From Barcelona, clapements de main, euphorie générale), c’est pour mieux cacher une certaine mélancolie, qui ne s’exprime jamais mieux que sur le très beau "Supernovas". Le titre a été composé à l’occasion d’un voyage en Chine, et il est vrai que l’on n’est pas loin du sentiment que véhicule le thème de "In the Mood for Love", le film de Wong Kar-Wai. J’ai abordé seulement quelques titres du disque, et on a déjà un patchwork assez incroyable, mais qui pourtant se tient très bien. Un beau talent d’écriture et une vraie rigueur dans celle-ci rendent en effet le disque très fluide à l’écoute, les titres s’enchaînent avec naturel et surprennent avec délicatesse l’auditeur. Ils le reposent avec de petites comptines folk comme "When I Am Alone" ou "Without You" et son petit harmonica tout mignon, puis ce sont de petits instrumentaux qui s’insèrent et à qui revient la charge de faire tenir d’un bloc cette chapelle pop. Peu avare d’expérimentations, Jil donne dans l’americana classique sur "I May Be Late", qui se voit suivie de "The Wanderer", un vrai tube folk potentiel. Entre les deux titres, apparemment peu de rapport, et pourtant, le voyage et l’errance qui sont évoqués tissent des liens : la route a beau changer, ça reste la route. "The Wanderer" fait ainsi le portrait d’un personnage qui va au devant des découvertes et aventures, avec le retour des violons aigres-doux et la synthèse entre folk, pop et musique yiddish pour un tourbillon enivrant. En refermant son album sur "Hovering Machine", long titre sombre de presque onze minutes, blues lacéré par une guitare électrique, on peut penser à un dernier pied de nez du jeune (24 ans) songwriter… mais on peut aussi y voir la preuve que Jil n’a peur de rien, et surtout qu’il ne se ferme aucune porte. Et ça, c’est forcément encourageant pour l’avenir : en attendant, il est temps de partir à la découverte de ce jeune homme et de sa musique.
Mickaël Choisi
Winter Is Over
J.E.S.U.S. Said
When I Am Alone
Judah Loew’s Mistake
Sidi Bel Abes
I May Be Late
The Wanderer
Without You
Paola Majora Canamus
Don’t Work
Supernovas
Hovering Machine