NANA APRIL JUN – The Ontology Of Noise
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Dans une industrie du disque qui est, paraît-il, en pleine crise, nombreux sont les labels qui, hélas, voient leur avenir sous des cieux plutôt sombres. Pourtant certains paraissent inébranlables dans la foi qui les anime, à sortir, vaille que vaille, des œuvres fortes, sans concession et reconnaissables entre mille.
Touch fait partie de ceux-là, le label de Jon Wozencroft continuant depuis plus de vingt-cinq ans à sortir, avec une régularité forçant le respect, des disques de musiques électroniques pour le moins exigeants, certains diront invendables, très souvent excellents.
L’album "The Ontology of Noise" du Suédois Christofer Lämgren, le musicien qui se cache derrière ce pseudo un peu farfelu, est d’une fidélité sans faille aux principes rigoristes de Touch et mérite donc qu’on s’y attarde.
D’autant plus, quand un album ambitionne de faire une ontologie du bruit (rappelons que l’ontologie est l’étude des propriétés générales de ce qui existe, dit comme cela c’est un peu rebutant…) avec en référence "Filosofem" l’album mythique de Burzum, LE groupe ultime de black metal. Avouez qu’il y a de quoi éveiller la curiosité, et là, certains diront que ce n’est plus rebutant mais carrément effrayant !
Avec une telle accroche la première écoute s’avère plutôt surprenante, l’univers sonore développé par Christofer Lämgren étant très éloigné des assauts satanistes ou des morceaux électroniques dark-ambient que compte "Filosofem". Evidement, en bon chroniqueur j’ai réécouté mes albums de Burzum ("Hliðskjálf" et "Det Som Engang Var" en plus de "Filosofem", ce qui ma foi était assez plaisant) et la connexion entre les deux univers ne m’a pas paru évidente.
Il n’est pas question de rythme, encore moins de mélodie, mais d’une plongée dans la matière même du son en tant que signal : le bruit. Les cinq plages de "The Ontology of Noise" déroulent un souffle digital austère, sur lequel des effets appliqués par strates donnent au son une puissance organique, quasiment physique, réellement impressionnante.
Derrière ce rideau bruitiste qui peut, au premier abord, sembler vain se cache une somme étonnante de constructions assez subtiles, entrelacs de fréquences générant une lointaine pulsation, modulation du flux sonore spatialisant l’écoute, qui donnent une oeuvre au figuralisme inattendu.
Finalement, l’univers de "The Ontology of Noise" est bien plus proche de ceux de B.J. Nilsen, avec lequel il partage le même onirisme glacé, et du duo Pan Sonic, dans cette façon de pénétrer au plus profond du signal sonore, que celui du groupe du sulfureux Varg Vikernes.
Avec une approche ultra minimale, marque de fabrique des musiques électroniques scandinaves, Christofer Lämgren réussit un album très personnel qui sous un aspect assez radical s’écoute finalement avec une relative facilité, à croire que le musicien a tout fait pour se tenir à distance d’une approche théorico-musicale douloureuse qu’un tel titre pouvait laisser craindre. Tant mieux, même si quelques grincheux lui reprocheront de brouiller le propos.
Encore une fois Touch nous offre un disque hors norme mais totalement en phase avec le concept de musique électronique naturaliste développé par le label.
Cyril Lacaud
The One Substance
Process Philosophy
Space-Time Continuum
Semantic Shift
Sun Wind Darkness Eye