ST. VINCENT – Actor
(4AD / Beggars) [site] – acheter ce disque
Je ne pensais pas qu’en écrivant des chroniques pour POPnews, je me retrouverais un jour à réécouter la bande son des Walt Disney de mon enfance ("La Belle au bois dormant" et "Blanche Neige"). Pourtant, ces dessins animés sont cités par Annie Clark – plus connue sous le nom de St Vincent – comme les influences principales de son deuxième album, aux côtés de films de Woody Allen ("Stardust Memories") et du "Magicien d’Oz". Comme le titre "Actor" l’indique, le cinéma a servi de source d’inspiration pour la chanteuse multi instrumentiste, qui affirme avoir composé des parties de son album après avoir revu bon nombre de ses films préférés. L’idée était, explique la jeune New-Yorkaise, de reconstruire le travail d’un orchestre classique, où chaque instrument peut tenir un rôle, jouer un personnage. Et de fait, "Actor" est merveilleusement orchestré : les instruments à vent y occupent une place de choix, et sont accompagnés de violons et de claviers, ainsi que d’une instrumentation plus rock (guitares, basses, percussions). Le résultat est une sorte de symphonie électro classique à la fois merveilleuse et déchaînée.
Des Walt Disney, on retrouve les envolées lyriques à base d’instruments à bois, et une certaine candeur. Mais il ne faut pas se tromper au sujet de cette candeur. Les chœurs et les clarinettes émerveillées pourraient n’être que des apparences trompeuses, et dans ce monde de rêve, le cauchemar n’est jamais loin : c’est ce qu’indique l’oppressante montée en tension à la fin de "Black Rainbow", où le rythme et les claviers lancinants finissent par assourdir l’auditeur. Les nappes mélodieuses de synthés pourraient bien être trop mielleuses pour être crédibles : elle sont souvent doublées d’un fond électronique qui finit par les faire paraître sinon ironiques, du moins suspectes.
Et puis la jeune New-Yorkaise a plus que la simple corde Disney à son arc. Non seulement elle sait merveilleusement bien superposer les mélodies enchantées et les arrangements plus électro – ce n’est pas pour rien que la demoiselle a collaboré avec Sufjan Stevens – mais en plus, elle vogue habilement entre le folk ("Just the Same But Brand New"), le jazz vocal, l’électro ("Laughing With a Mouth of Blood") ou encore le pop rock ("Actor Out of Work"). Le fait est que chacune de ces étiquettes se révèle à son tour insuffisante pour désigner le travail de St Vincent, tellement Annie Clark superpose, mélange, colle, accompagne le tout de sa voix aérienne qui sait se faire vindicative ("The Neighbors") ou caressante ("The Party"). La New-Yorkaise parvient ici à mener habilement un jeu d’équilibriste qui consiste à tenir ensemble des tendances diverses voire opposées, pour un résultat très construit, à la fois déroutant par sa complexité, et familier tant les mélodies sont aisées à assimiler.
Alors si Annie Clark a fait part sur son blog de son rêve de devenir actrice dans un film de Woody Allen, on se réjouira pour notre part qu’elle s’en soit tenue pour l’instant à la musique, tellement cet "Actor" paraît original et abouti.
Catherine Guesde
A lire également, sur St. Vincent :
l’interview (2007)
la chronique de « Marry Me » (2007)
The Strangers
Save Me From What I Want
The Neighbors
Actor Out of Work
Black Rainbow
Laughing With a Mouth of Blood
Marrow
The Bed
The Party
Just the Same But Brand New
The Sequel