THIS IMMORTAL COIL – The Dark Age Of Love
(Ici d’Ailleurs / Differ-Ant) [site] – acheter ce disque
Rares sont les albums hommage qui soient restés inoubliables : c’est souvent mal foutu et la comparaison avec l’artiste ou le groupe célébré suffit la plupart du temps à donner le coup de grâce à ce genre d’entreprise. Il y a sûrement des exceptions dans l’histoire et on peut déjà être assuré que The "Dark Age Of Love" du collectif très astucieusement baptisé This Immortal Coil en fera partie.
Comme les (bons) albums du fameux projet de reprises This Mortal Coil, ce disque joue la carte du décalage en s’attaquant au répertoire de Coil, l’une des entités musicales les plus inclassables qui soit, créée par Peter Christopherson et Jhonn Balance (ex-Throbbing Gristle pour l’un et ex-Psychic TV pour les deux), couple à la ville comme en musique. Histoire de ne pas se perdre en explications pénibles nous dirons, pour faire simple et efficace que Coil est à mi-chemin entre Nurse With Wound et Soft Cell. Dit comme ça, c’est on ne peut plus clair, n’est-ce pas ? Un groupe vraiment exceptionnel, mais hélas bien peu connu du grand public et dont le mode de vie sulfureux et extrême aura eu raison de Jhonn Balance un soir de novembre 2004. C’est peu de temps après ce drame que Stéphane Grégoire, fondateur du label Ici d’Ailleurs et immense fan de Coil décida de leur rendre hommage.
En fin connaisseur, il a intelligemment choisi dans la très abondante discographie du groupe (une cinquantaine d’albums et maxis en un peu plus de vingt ans de carrière) onze titres assez accrocheurs, voire accessibles, notion pourtant toute relative dès qu’il s’agit de Coil. Exit donc les morceaux les plus décadents des débuts… dommage diront certains, mais comme le but est de toucher un large public, il eut été mal venu d’aller piocher parmi l’album "Scatology" ou de s’attaquer à des titres de la trempe de "The Anal Staircase" !
Ensuite, Stéphane Grégoire a laissé libre cours à l’imagination et au talent de Yann Tiersen, Matt Elliott, Yaël Naïm, Sylvain Chauveau, DAAU, Christine Ott, Chapelier Fou et Bonnie Prince Billy, compositeur qui d’ailleurs, obsédait littéralement Jhonn Balance à la fin de sa vie au point de vouloir lui ressembler. Un casting, certes prestigieux, mais plutôt déconcertant tant il semble à mille lieux des expériences occultes qui sortaient des cerveaux bouillonnants des deux Anglais.
Et pourtant la magie opère ! Après quatre ans de travail minutieux pendant lequel les artistes se sont échangé leurs enregistrements (ils ne se sont presque jamais rencontrés !), le résultat est absolument sublime. Les artistes sont restés très fidèles aux formats et à l’esprit des titres originaux, que se soient avec des orchestrations onctueuses comme sur "The Dark Age of Love" ou dans la langueur monotone d’un "Red Queen", mais ont su capter la fragilité qui se cachait derrière l’âme noire du groupe. Ainsi revisitée en mode acoustique (piano, violoncelle, accordéon, clarinette), agrémentée d’ondes martenots ou dispositifs électroniques, la musique de Coil, entre ténèbres (avec un Matt Elliott taciturne) et lumières (avec une Yaël Naïm céleste) est totalement réincarnée. Pour s’en rendre compte il n’y a qu’à écouter la version d’"Ostia" avec un Bonnie Prince Billy possédé ou ce "Tattoed Man" sublime et dépouillé sur lequel le piano et la voix de Yaël Naïm nous font tutoyer des sommets que l’on n’atteint que trop rarement.
Cyril Lacaud
The Dark Age of Love (Yaël Naïm, Chapelier Fou, DAAU, David Donatien, Christine Ott)
Red Queen (Yann Tiersen, Matt Elliott)
Ostia (Bonnie Prince Billy, Christine Ott, DAAU)
Chaostrophy (Christine Ott, DAAU)
Love Secret Domain (Yann Tiersen, Matt Elliott)
Tattoed Man (Yaël Naïm)
Teenage Lightning (Matt Elliott)
Amber Rain (Sylvain Chauveau, DAAU)
Cardinal Points DAAU, Christine Ott
Blood From the Air (Christine Ott, DAAU, Deadverse, Nightwood)
Outro LSD (Yann Tiersen, Matt Elliott)