GOD HELP THE GIRL – God Help The Girl
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Stuart Murdoch est un homme de goût. Pour les pochettes d’album, les demoiselles y figurant et les mélodies de rêve. Avec Belle & Sebastian, il a contribué à maintenir cette tradition de la pop mélancolique et doucement pluvieuse, qui court depuis certains one hit wonders des sixties (Cilla Black, Sandie Shaw, Marianne Faithfull…) et a connu un sommet avec les Smiths et sa descendance immédiate (les groupes twee pop, de Sarah Records). Mais l’amour éternel que je porte à leur chef-d’oeuvre de 1996 "If You’re Feeling Sinister" ne peut néanmoins masquer l’absence du groupe depuis le contesté mais, à mon sens, réussi, "The Life Pursuit", sorti il y a bientôt quatre ans. Depuis, Camera Obscura et la pop suédoise ont prospéré, prenant le relais dans cette quête de la chanson parfaite, et nous faisant perdre de vue le combo de Glasgow. Quand, soudain, tomba dans les bacs le projet solo de Stuart Murdoch, sous le nom God Help The Girl. Symbole de la déliquescence de Belle & Sebastian ? Pas vraiment, puisqu’on retrouve, au fil des titres, l’intégralité du groupe. Murdoch, trouvant certaines de ces nouvelles compositions assez peu adaptées au groupe, décida de monter l’affaire en un concept-album autour de la vie d’Eve, jeune femme moderne en proie à des questions existentielles. Ces morceaux constituent la bande originale d’un film à venir en 2010, tourné par Murdoch lui-même. Pour mener son oeuvre à bien, il pratique des castings, fait passer des auditions, pour trouver les interprètes (féminines, et toutes charmantes, il ne perd pas le nord, Stuart) susceptibles d’incarner l’héroïne dans toutes les phases de son parcours personnel. Si l’ensemble présente un caractère assez hétéroclite, le plaisir de retrouver des compositions de haut vol signées par Stuart et ses potes reste, lui, intact.
Des arrangements de cordes d’une beauté spectrale ("Come Monday Night", "The Music Room Window"), les accents de comédie musicale donnés à l’ensemble ("Pretty Eve in the Tab"), une réadaptation d’un morceau de Belle & Sebastian – ce "Funny Little Frog" à la rythmique plus soul que dans sa version originale, et dans laquelle la voix gracile de Britanny Sallings fait des merveilles – ou encore la présence de ce cher Neil Hannon sur "Perfection As a Hipster" confèrent à l’affaire un cachet particulier. On retrouve également avec une joie non dissimulée les tics de composition de Belle & Sebastian, notamment sur "Act of The Apostle", titre d’ouverture qui débute par une partie chantée sur un accompagnement dénudé, pour ensuite s’étoffer et partir en mini-symphonie music-hall, ou encore sur le très beau "I’ll Have to Dance With Cassie" et sur le titre de clôture "A Down and Dusky Blonde", qui démarre assez classiquement mais dont le pont instrumental est magique, la guitare placée légèrement en arrière dans le mix mais largement réverbérée (comme les Shadows en leur temps ), double les envolées de cordes pour un résultat de grande classe. Un petit intermède à tonalités jazzy, "A Unified Theory" vient lier les parties de l’histoire entre elles : j’aurais aimé que ces audaces stylistiques, et un soupçon de modernité, dont on sait Stuart largement capable, soient plus nombreux sur l’album. Mais c’est ici une histoire de tradition, de codes, de droit canonique. Stuart Murdoch revendique ce classicisme, et élabore ses mini-symphonies à l’ombre bienveillante de ses maîtres pop. En plus d’une suite à cet opus, le groupe annonce sur son site qu’un nouvel album de Belle & Sebastian se profile à l’horizon. It’s about time !
Frédéric Antona
Act of The Apostle
God Help The Girl
Pretty Eve in The Tab
A Unified Theory
Hiding Neath My Umbrella
Funny Little Frog
If I Could Speak
Musicians, Please Take Heed
Perfection As a Hipster
Come Monday Night
The Music Room Window
I Just want Your Jeans
I’ll Have to Dance With Cassie
A Down and Dusky Road