SAMBASSADEUR – European
(Labrador) [site] – acheter ce disque
Parler de "European", le troisième album de Sambassadeur, soulève une impression paradoxale : on sait que ce disque devrait être enfin celui de la consécration tellement méritée d’un groupe et d’un label, mais on hésite pourtant à le clamer trop fort, tant ce groupe, comme tous les autres signataires de Labrador Records, fait partie intégrante de notre rapport intime et solitaire à la pop ignorée du plus grand nombre. On voudrait encore garder la bande d’Anna Persson quelque temps pour nous, avant qu’ils ne fassent la une des Inrocks ou une double page dans Magic. Hélas, à la lecture de la Revue Pop Moderne de ce mois, il faut se rendre à l’évidence : la mécanique est bel et bien en marche et Sambassadeur devrait jouir, dans les prochaines semaines, d’une notoriété européenne croissante, amplement méritée.
"European" est d’ailleurs traversé d’un bout à l’autre par le sentiment d’élévation. Dès l’ouverture, "Stranded" se construit en ascension extatique de montagnes russes. Lorsqu’on rouvre les yeux, pourtant, nul précipice ni chute effrénée : le paquebot de la pochette est délicatement propulsé parmi les nuages, où il trouve instantanément sa vitesse de croisière. "Days" et "I Can Try" confirment l’omniprésence assumée des arrangements de cordes, autour desquels semble se construire chacune des chansons. On retrouve çà et là l’expressionnisme magique des confrères Sound Of Arrows (retenez bien ce nom), tout en ralentis et accélérés. On pense au réveil de ce premier matin de vacances, où tous les scénarios deviennent possibles. On pense aussi aux premières chansons en anglais de Françoise Hardy, en 1966, auxquelles la voix franche et sans minauderie aucune d’Anna semble faire écho ("Forward Is All"). Il faut pourtant attendre les envolées méditatives d’"Albatross" pour que le paquebot de "European" révèle enfin son vrai visage : celui des machines volantes ou à remonter le temps imaginées à l’époque par Méliès ou Jules Verne (le vaisseau de Robur, lui aussi Albatros). Le voyage de poche en miniature se transforme en grand disque de pop panoramique. La plénitude de "High And Low" ne donne-t-elle d’ailleurs pas l’impression de flotter sur le vent, hors du temps ? Très vite, on se rend à l’évidence : ce plaisir pur devra être partagé par le plus grand nombre. On hésite encore un peu, puis on se résigne. On se racle la gorge, et on le dit. Même : on le répètera. Il faut écouter Sambassadeur. Il faut écouter Sambassadeur.
Christophe Patris
Stranded
Days
I Can Try
Forward Is All
Albatross
High and Low
A Remote View
Sandy Dunes
Small Parade