ANTENA – Bossa Super Nova
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Le mouvement "lounge" est ce qui aurait pu arriver de pire à Isabelle Antena. En réduisant l’Easy Listening et la Bossa Nova à une accumulation de clichés aseptisés dénués de sens et de toute émotion, la musique de canapé avait condamné au seul cynisme des codes musicaux qu’Antena expérimentait depuis plus de vingt ans. Au fil des albums et des collaborations, Antena avait, aux côtés de Weekend, des Pale Fountains et de Everything But The Girl, insufflé à la Bossa un esprit pop mutin et coloré, gavé de références et de grand écarts, tout en assumant l’héritage post punk du début des années quatre-vingt. Le premier disque du groupe, "Camino del Sol", fut en ce sens une des surprises majeures du label "Les Disques du Crépuscule".
"Bossa Super Nova", annoncé comme le troisième et dernier volet de la trilogie Antena (en marge des disques solo d’Isabelle), est un disque qui parvient à faire abstraction de la "chill music" parasitaire d’il y a quelques années. Gardant le cap qu’elle s’est fixée il y a près de trente ans, Isabelle est toujours guidée par le même idéal, cet horizon qui lui permet de traverser les modes sans jamais se trahir ou se dénaturer. La branchitude a déserté l’Easy-Listening en laissant derrière elle un paysage ravagé ? Isabelle Antena, revient, à la Mary Poppins, mettre un peu d’ordre parmi les décombres – et commence par remettre droites les photos sur les murs : celles de Michel Legrand, d’Ennio Morricone et de Gainsbourg. "Même si c’est pas d’hier, ça continue de me plaire", chante-t-elle sur le magnifique "Ciné-Club". Sans nostalgie aucune, cette Emma Peel de l’an 2000 regarde en arrière et fait l’inventaire ("Le Grenier d’Isabelle"), comme autant de cartes servant à reconstruire son château, sur des rythmes toujours aussi subtilement électroniques. Bercé par un groove suave profondément organique ("A Night of Infinity", "Straight to the Point"), l’album alterne les chansons en français et en anglais, l’electro-pop ("Hollywood Is Dead") aux bossas plus classiques. Isabelle projette ses amours cosmiques et ses voyages sur Mars, dans la grande lignée de la Space Age Pop des années 50, sans pour autant jamais sombrer dans le kitsch. Tout, ici, est question d’ambiance, de souvenirs, de références. En clôturant un cycle de son passé musical, Isabelle Antena parvient à le cristalliser et à le mythifier, comme dans une bulle qui n’existerait à présent plus que par elle-même. La trilogie Antena, en restant maître de sa propre finitude, protège désormais la belle Isabelle des éventuelles vagues futures qui tenteraient à nouveau de la détrôner.
Christophe Patris
A lire également, sur Antena :
la chronique de « Camino del Sol & Toujours du soleil » (2006)
Une Française sur Mars
For No Reason
Happy in My Garden
Le Grenier d’Isabelle
Straight to the Point
Amour Cosmique
Leaving Las Vegas
A Night of Infinity
Under Your Closed Eyelids
Hollywood Is Dead
Ciné-Club
Little Boxes