XIU XIU – Dear God, I Hate Myself
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Poor God. Ce dernier aurait-il l’incommensurable bonté d’écouter un homme d’âge mûr chanter de telles horreurs avec la souplesse vocale d’un asthmatique dont on écrase du pied les poumons ? Freddie Mercury et Matthew Bellamy avaient bien compris qu’il vaut mieux disposer du redoutable organe d’un Jonas Kaufman de salle de bal pour vouloir verser dans le mélodrame. Il donne sans cela dans le ridicule le plus agaçant, contraste d’autant plus grotesque une fois mis en rapport avec le physique de rugbyman de James Stewart. Non. Le fond des chansons de l’album ne cadre pas avec le personnage. Toute la question est donc de savoir si Stewart fait ou non de l’humour. Certains pensent que c’est bel et bien le cas, non qu’on puisse à vrai dire trouver dans les textes des indices soutenant à coup sûr cette thèse. Le contraire serait toutefois tellement outrageant qu’on n’ose, même lorsque l’album ne plaît décidément pas, envisager l’hypothèse que ce grand garçon pense vraiment tout ce qu’il chante, ou qu’il est vraiment ce qu’il chante. Venant d’un homme tel que Stewart, réputé intelligent et peu porté au misérabilisme, les textes et la musique prennent nécessairement la tournure d’une parodie au comique pas toujours très au point et surtout redondant le temps d’un album d’une trentaine de minutes. Ceci dit, Brian Eno a bien écrit un disque sur les aéroports, alors pourquoi Xiu Xiu, groupe selon certains expérimental, ne pourrait-il pas en écrire un sur la parodie en musique populaire et s’en faire directement l’incarnation ?
La majorité des compositions donnent réellement l’impression de n’être que de peu subtils travestissements. "Gray Death" ressemble à un single de British Sea Power, peinant comme ce dernier à décoller, "Apple for the Brain" et "House Sparrow" s’emparent des lieux communs de la musique casiotone, avec le message implicite qu’elle n’est qu’une succession incompréhensible de notes jouées au hasard et une sacrée escroquerie. Le reste est une sorte de tambouille refroidie où l’on trouve là un morceau de twee pas frais, ici un bout plein de nerfs que l’on peut identifier. "Dear God I Hate Myself" exigerait donc de l’auditeur une distance qui permettrait seule de comprendre où diable Stewart veut en venir. Je ne vois honnêtement aucune raison sinon laborantine d’ingérer quarante minutes de musique globalement désagréable, la plupart du temps illisible, sans queue ni tête, le feu en haut et le feu en bas, selon le bon mot de Royer-Collard.
Cher Dieu, je me hais. Quelle suite à donner à une apostrophe qui dans un autre siècle aurait pu avoir quelque chose de touchant mais qui dans le nôtre, où la haine de soi, devenue d’une confondante banalité, n’est souvent qu’une paradoxale manière de se présenter ? Rigolons-en, nom d’une pipe ! répond Xiu Xiu, considérant certainement Dieu comme une entité pleine d’humour. Il se peut toutefois que je me trompe, que je n’y ai rien compris et que l’album soit tout simplement nul, ce qu’il est, d’un point de vue strictement mélodique, assurément. Et ce n’est soudainement plus marrant du tout. L’humour est une question de distance, disions-nous…
Julian Flacelière
A lire également, sur Xiu Xiu :
la chronique de « La Forêt » (2005)
Gray Death
Chocolate Makes You Happy
Apple for a Brain
House Sparrow
Hynhye’s Theme
Dear God, I Hate Myself
Secret Motel
Falkland RD.
The Fabrizio Palumbo Retaliation
Cumberland Gap
This Too Shall Pass Away (For Freddy)
Impossible Feeling