MAYER HAWTHORNE – A Strange Arrangement
(Stones Throw / Discograph) [site] – acheter ce disque
Alors que les musiques dites noires glissaient irrémédiablement sur la pente bling-bling du r’n’b (avec, parfois, de vraies prouesses de production et d’indéniables réussites), on a assisté ces dernières années, comme en réaction, à un retour à une soul plus authentique et incarnée. Dans le sillage d’Amy Winehouse dont on espère entendre un jour un nouvel album , sont apparus des chanteurs et chanteuses, blancs ou noirs, remettant au goût du jour, avec plus ou moins de souffle et d’inspiration, le son des labels Stax ou Motown. C’est bien dans ces mines d’or que semble avoir creusé l’Américain Mayer Hawthorne, 29 ans (Andrew Cohen de son vrai nom), grandi comme Iggy Pop à Ann Arbor dans le Michigan, soit tout près de Detroit et de la mirifique usine à tubes de Berry Gordy il n’y a pas de hasard, même si ce DJ et producteur venu du hip hop se serait mis à la soul sans autre ambition que de s’amuser. Son premier album, « A Strange Arrangement », dont il a enregistré l’essentiel seul, se voit offrir une seconde chance après une sortie discrète à l’automne dernier, et il est fortement conseillé de la saisir.
Un bref « Prelude » tout en voix moelleuses annonce la couleur : bienvenue dans le royaume pure soie de Smokey Robinson (grosse influence, assurément), Al Green, Billy Paul ou le Marvin Gaye des débuts. Tous les ingrédients sont là, parfaitement dosés : choeurs qui font « wou-ouh », cuivres guillerets et flûtes discrètes, guitare au rôle essentiellement rythmique, basse élastique, batterie syncopée, claquements de mains, textes simples pleins de « love » et de « baby », faux craquements de vinyle et même une intro parlée (« Just Ain’t Gonna Work Out ») comme chez Barry White en moins érogène, quand même. Mais Hawthorne ne se contente pas d’appliquer une recette éprouvée, et sait varier les plaisirs en sortant par moments d’un confortable midtempo. L’alangui « Green Eyed Love » se pare ainsi d’une étrangeté onirique, tandis que le très dynamique « Love Is All Right » (l’un des deux morceaux bonus de cette réédition) pourrait presque passer pour un inédit des Four Tops, et que « The Ills », avec ses percussions en avant, rappelle beaucoup Curtis Mayfield.
S’il n’a pas encore écrit son « Tracks of My Tears » ou son « Move on up » et qu’il lui manque encore la personnalité vocale de ses maîtres (sur « Let Me Know », par exemple, on a un peu envie de le secouer), Hawthorne est bien plus qu’un bon faiseur rétro qui a senti le vent de la tendance. Assurément, le blanc-bec Mayer fait déjà partie des meilleurs, et rappelle qu’en français, « soul » signifie aussi « âme ».
Vincent Arquillière
Prelude
A Strange Arrangement
Just Ain’t Gonna Work Out
Maybe So, Maybe No
Your Easy Lovin’ Ain’t Pleasin’ Nothin’
I Wish It Would Rain
Make Her Mine
One Track Mind
The Ills
Shiny & New
Let Me Know
Green Eyed Love
Love Is All Right
When I Said Goodbye