KATERINE – Philippe Katerine
(Barclay / Universal) [site] – acheter ce disque
Le cas Katerine nous turlupine ; est-on vraiment armé pour s’enamourer du portrait de l’artiste en gros bébé exhibo, ce Philippe Katerine régressif et effarant, à la fois plaisir coupable et merde sans complexe ? Oui, non ? Euh, les deux ?
Katerine est un conceptuel contemporain, on ne l’a jamais mieux senti que dans son peut-être chef-d’uvre : « Peau de Cochon », manque de pot, un film en DV autobio. Pour les disques, à voir, à boire et à manger. Du Salvador romance en pull Shetland, puis la cassure doublée (l’étrange « Homme à Trois Mains et ses Créatures ») avant que le succès ne le transforme en chanteur pataphysique sans plus de limites. Un pas est franchi avec le nouvel opus, conçu pour plaire autant chez les post-modernes qu’à l’école maternelle. Les premiers y verront un art oblique des contraintes, de l’Oulipo musical sur des paroles nihilistes et Dada. Pour les seconds en moyenne section, ce sera plutôt les options Oulipopo et A-dada-sur mon bidet qui marqueront les esprits, tant le stade anal se prolonge (« La Reine d’Angleterre », du Frères Jacques bilingue so shocking). On sait, depuis l’insupportable séquence des étrons de « Peau de Cochon », que Katerine conserve précieusement dans des tupperware les productions de son fondement. Les méchants diront qu’il en grave aussi sur disque, ce qui n’est pas faux. Pourtant, on avoue une part d’admiration ; cet homme fait ce qu’il veut, c’est-à-dire n’importe quoi :
– donner à chanter (faux) des paroles mongoloïdes à ses parents sur l’air de « Week-End à Rome » (« Il veut faire un film »)
– ricaner comme un débile (« Moustache »)
– se prendre pour un Gainsbourg de sous-préfecture adjoint d’une Birkin utilitaire (Jeanne Balibar, méconnaissable) sur « J’aime Tes Fesses » (« et ton uteru » avec l’ellipse du s, bien vu)
– apprendre l’alphabet (l’affreux « Les Derniers seront les premiers »)
– dérouler l’habituel exercice d’admiration en name-dropping (« Morts-Vivants », pffff !)
– régler les grands problèmes de politique internationale avec une petite mélodie de cocktail-bar qui s’affole (« Juifs-Arabes »), et le tout presque à l’avenant…
En fait, Katerine peut aussi bien se concevoir comme un petit-fils de Dario Moreno lecteur de Deleuze (« La Banane », qui la fout plutôt d’ailleurs) qu’en rejeton de Carlos et de Johnny Rotten (« Des Bisoux », collant comme un vieux chewing-gum). Le pire, quand on y réfléchit, c’est qu’il y a un public pour ce genre d’objet barré et nombriliste, et qu’on en fait même partie les nuits de pleine lune. Après le récent Sexy Sushi, voilà encore un disque par-delà le bien et le mal, on opine du chef (honni soit !) mais il ne faudrait pas que ça devienne une habitude, hein ?
Christophe Despaux
A lire également, sur Katerine :
la chronique de « Nom de Code Sacha » (2002)
Je m’éloigne d’autant que je m’approche
Bla Bla Bla
La reine d’Angleterre
Les derniers seront toujours les premiers
Des bisoux
Bien mal
Liberté
La banane
J’aime tes fesses
Philippe
Il veut faire un film
Moustache
Sac en plastique
Té-lé-phone
A toi – à toi
Parivélib’
La musique
Vieille chaine
Morts – vivants
Cette mélodie
Le rêve
Juifs arabes
Musique d’ordinateur
Le champ de blé