ARIEL PINK’S HAUNTED GRAFFITI – Before Today
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Il paraît qu’Ariel Pink, dont je découvre tout juste l’existence (honte à moi !), a jusqu’ici sorti des disques qui s’apparentaient au courant lo-fi. Pourtant, à l’écoute de « Before Today », difficile de trouver un lien de parenté entre la musique très psychédélique de Pink et celle d’un Daniel Johnston ou d’un Will Oldham. En effet, si de lo-fi il est question ici, c’est plus dans la démarche de l’artiste, empreinte d’une très grande liberté, que dans une quelconque mise en son volontairement fauchée.
Le dernier album du natif de Los Angeles est au contraire un album ultra produit, mais d’une manière qui tranche radicalement avec tous les disques entendus depuis de nombreuses années. Il est en effet difficile d’admettre que cet album a été enregistré à l’ère du tout-numérique tant les sonorités qui s’en dégagent sont chaleureuses et pas clinquantes pour deux sous. Ici, même les synthés (nombreux) semblent avoir une âme. A l’écoute du disque (et même sans connaître le reste da sa discographie) une évidence s’impose à l’auditeur : Ariel Pink est un magicien, un sorcier de la pop. Non seulement les sons et l’atmosphère de l’album sont totalement hypnotiques mais, en plus, la qualité d’écriture des compositions est de très haute volée. Ceci dit, « Before Today » est un album qui se mérite. Plusieurs écoutes sont donc nécessaires pour mesurer l’ampleur de cette belle oeuvre. Le disque s’ouvre avec un morceau improbable : un bruit d’hélicoptère, une voiture qui dérape et une portière qui claque annoncent une musique saccadée, ultra-répétitive qu’on croirait jouée par la section cuivre d’un vieux groupe de funk un peu fatigué sur laquelle une voix sauvage crie des choses totalement inintelligibles. Typiquement le morceau qui peut faire peur à un auditeur un peu paresseux… En fait, il faut envisager cette introduction comme un avant-propos : le groupe entre en studio, teste les instruments, s’échauffe un peu avant de commencer à en découdre. Et effectivement, la tension ne se relâche pas sur les 11 titres suivants. Ariel, entouré de son groupe (le fort bien nommé Haunted Graffiti), enchaîne tube sur tube. Bon ok, des tubes improbables : mélanges de black music (soul, funk mais aussi jazz) et de power pop très sophistiquée (tendance Todd Rundgren), le tout noyé dans une réverb éminemment psychédélique et rétro-futuriste (mais où va-t-il chercher tous ces sons ?). Des morceaux sacrément jouissifs et évidents tout en étant pourtant très compliqués dans leurs structures. Impossible de douter que dans 30 ans, on écoutera avec un plaisir intact les morceaux intemporels que sont « Can’t Hear my Eyes », « Fright Night (Nevermore) », « Bright Lit Blue Skies », « L’estat (Acc. to the Widow’s Maid) », « Round and Round » enfin, tout l’album en fait !
Matthieu Chauveau
A lire également, sur Ariel Pink’s Haunted Graffiti :
la chronique de « The Doldrums / Vital Pink » (2005)
Hot Body Rub
Bright Lit Blue Skies
L’estat (Acc. to the Widow’s Maid)
Fright Night (Nevermore)
Round and Round
Beverly Kills
Butt-House Blondies
Little Wig
Can’t Hear My Eyes
Reminiscences
Menopause Man
Revolution’s a Lie