RICHARD LEWIS – Untitled
(Louba Reve Records) [site]
La pop avec comme instrument central le piano est un exercice difficile. La raison en est toute simple : la sonorité naturelle qu’offre l’instrument crée rapidement, lorsqu’elle n’est pas maîtrisée, un sentiment de niaiserie au parfum d’eau de toilette, comme en témoigne d’ailleurs la dernière décennie musicale nourrie aux hormones de James Blunt. Le dernier Richard Lewis a-t-il succombé à la même épuration sonore ? Non monsieur, et pour cause, le Britannique fait preuve d’une modestie de composition comme on en voit rarement. Sur cet opus innommé, sur lequel l’influence de Yann Tiersen est très présente (la valse « Wings », l’un des morceaux les plus envoutants du disque), on navigue à vue, entre influences jazz (« Sunchild » dont la partie fait émerger une trompette smooth) et musiques populaires (« I’m Your Cash » et ses cordes irlandaises, « White Tulips » et son final celtique) avec un désenchantement des plus insolents.
L’album est pourtant construit sur un modèle très académique : rythmiques carrées, mixage du son épuré où chaque effet est à sa place. Le piano, pivot central de l’album, offre à la fois la rythmique et la mélodie mais demeure le seul à casser la monotonie ambiante des autres instruments, condamnés à jouer inlassablement la même séquence. Il n’en demeure pas moins que le résultat se révèle des plus agréable, ornés de quelques détails qui tendent à l’enrichir et le sortir de sa stabilité permanente (« Furieux Pays », où le musicien chante en français, contraste pour le coup avec la froideur des paroles en anglais du reste de l’album). La sobriété des arrangements n’empêche en effet en rien aux morceaux d’exprimer leurs origines antagonistes, bien au contraire (« Warm Rain at the Funfair », dont les guitares ensoleillées sont bercées par les grillons des maracas ou le très beau « Paula », dont la froideur hivernale évoque un nocturne inachevé de Chopin). C’est peut-être là tout le secret de cet album inconnu, une pop ni trop intimiste ni trop conformiste, et qui parvient à se faire une place parmi ceux qui l’ont inspiré. Est-ce vraiment un mal ? À vous d’en juger.
Pierre Gourvès
A lire également, sur Richard Lewis :
Le compte-rendu du concert au 7ème ciel (2008)
Le track-by-track de « Postcard » (2008)
Brink
Secrets
Warm Rain at the Funtair
I’m Your Cash
Furieux Pays
Lie
Sunchild
All the Good Men
Wings
White Tulips
Paula