GARY WILSON – Electric Endicott
(Western Vinyl / Differ-Ant) [site] – acheter ce disque
Après Brian, Dennis et Carl (Beach Boys), Chris (Flamin’ Groovies et Barracudas), Phil (June Brides), voire Steven (Porcupine Tree), voici Gary Wilson, un gars beaucoup moins banal que son nom. Un nouveau venu ? Un petit mythe, plutôt, puisque cet étrange personnage né en 1953 dans l’Etat de New York fut un pionnier du home recording, de la lo-fi et du do-it-yourself dès 1977 avec son album « You Think You Really Know Me ». Parmi ses fans, les Magnetic Fields, Make-Up, ?uestlove des Roots, Matt Groening (le papa des « Simpsons ») ou encore Beck qui le citera près de vingt ans plus tard dans son morceau « Where It’s At ». L’auteur de « Loser » passerait toutefois pour un musicien très conventionnel à côté de Wilson, passionné dans ses jeunes années par Cage, Varèse et le dodécaphonisme, livrant avec son groupe les Blind Dates des performances bruitistes totalement azimutées face à un public peu compréhensif.
Ses enregistrements (plus ou moins) disponibles dans le commerce s’avèrent heureusement plus accessibles, notamment ce nouvel album, le cinquième ou sixième de sa carrière même si le terme semble peu approprié dans son cas. « Electric Endicott » ressemble à un disque de soul-funk-électro-jazz-lounge joué par un groupe d’indie-pop amateur un peu approximatif, avec un chanteur mi-crooner, mi-canard. Mais ce qui aurait pu n’être qu’une oeuvre conceptuelle, ironique et/ou postmoderne touche au contraire par son absolue sincérité, qui n’est pas sans rappeler Daniel Johnston. Comme lui, Wilson paraît hanté par ses jeunes années (le Endicott du titre est le lieu où il a grandi) et par les filles qu’il a connues, peut-être seulement en rêve (pas moins de cinq prénoms différents dans les titres ), les chansons semblant toutes tourner autour de ces thèmes.
Cette matière intime, autobiographique, est toutefois livrée de façon moins brute que chez l’ami de Casper le gentil fantôme, et c’est plutôt à la sophistication d’Of Montreal qu’on pense sur le très catchy « In the Night », qui mériterait presque d’être un tube. Gary Wilson n’a pas pour autant abandonné son goût pour l’expérimentation (électronique de série Z, musique concrète, free jazz ), mais limite celle-ci à des intermèdes de quelques dizaines de secondes (« Linda Never Said Goodbye », « Sandy Put Me on a Sick Trip » ). Malgré sa brièveté (32 minutes), le disque s’avère ainsi particulièrement riche et varié, donnant une impression à la fois de familiarité et d’étrangeté. A l’image de son auteur, qui navigue dans un curieux entre-deux : sans doute trop conscient de ce qu’il fait pour émarger chez les brindezingues de l' »outsider music » (sorte d’équivalent sonore de l’art brut), mais beaucoup trop « ailleurs » pour être récupéré un jour par le mainstream. Un inclassable, un vrai.
Vincent Arquillière
Linda Never Said Goodbye
Electric Endicott
Where Are the Flowers?
Sandy Put Me on a Sick Trip
In the Night
Kathy Kissed Me Last Night
Swinging with Karen Tonight
Secret Girl
The Clouds Cry for Endicott
Where Did Karen Go?
Lisa Made Me Cry
She Forgot to Lock Her Door
Please Don’t Break My Heart Today
Where Did My Duck Go?