Faut-il s’étendre sur la qualité vraie ou supposée du nouvel album de Radiohead ? La plupart d’entre vous auront, de toute façon, probablement écouté le huitième opus du quintet d’Oxford dont la sortie physique est imminente et les derniers réticents y resteront complètement indifférents… Lançons-nous tout de même.
« The King of the Limbs » aura généré pas mal de controverse, y compris parmi les fans, trouvant l’album assez fade en comparaison du précédent de 2007, le très pop « In Rainbows ». Thom Yorke et sa clique signent un retour à la musique expérimentale dans l’esprit d' »Amnesiac » (2001), entre morceaux instrumentaux aux accents ethniques ( »Bloom », portée par une rythmique qui évoque les dunums africains ; « Feral » dont les sonorités flirtent avec le maqâm), et électronique minimaliste à l’accent organique prononcé (c’est pour coller avec le titre du disque en fait). Alors que « Hail to The Thief » (2003) et « In Rainbows » sonnaient le retour progressif de l’aspect pop-rock du groupe, pour le plus grand plaisir des fans de la première heure, Radiohead semble de nouveau s’orienter dans la voie de la recherche musicale, comme pour clore une partition commencée il y a maintenant 10 ans. Le renouveau a pourtant de quoi décevoir : alors que le groupe s’était montré avant-gardiste par rapport au reste de l’industrie musicale en proposant aux fans de payer le prix désiré pour leur nouvel album, Radiohead a fait aujourd’hui marche arrière et propose son album au prix fort, y compris pour la version digitale ; une copieuse version collector vinyl dont nous verrons la couleur – en papier journal paraît-il – en mai prochain étant mise en avant pour appâter le client. Pari réussi ?
La première écoute enchante mais déstabilise quelque peu : si Radiohead a une fois de plus modifié son enveloppe musicale, il est difficile de distinguer la contribution de chacun de ses membres dans le travail de composition. Ce retour très électronique, déroulé selon une rythmique pop ne fait véritablement émerger que la voix – fantomatique – de Thom Yorke et les fantaisies musicales de Greenwood (pas Colin, l’autre). Pour un peu, on verrait bien davantage ici le successeur du projet solo électronique de Thom Yorke »The Eraser » sorti en 2006 qu’un véritable nouvel album de Radiohead. Là où certains y verront un nouveau virage pour la formation d’Oxford, d’autres blâmeront le manque d’idée (et un clip ridicule). L’album est néanmoins loin, très loin d’être inintéressant. D’anciens morceaux non présents sur les albums précédents ont eu le droit à un relifting complet pour la sortie de ce nouvel opus ( »Morning Mr Magpie », écrite à l’origine durant les sessions d »In Rainbows », dont la batterie se répand tel un torrent et maintient une tension permanente ; »Codex » avec son piano électrisé à la »Pyramid Song »). Même si la structure reste très minimaliste, le mixage de l’album évoque un fourmillement de sons d’une incroyable vivacité, met de côté la performance individuelle de chacun des membres, unis. Seul »Lotus Flower » s’autorise une véritable parenthèse pop, efficace et maîtrisée, dans la continuité de l’album précédent.
Ce qui ressort de ce King of Limbs, c’est une musique plus optimiste, dont on a pu entendre les prémisses dans l’album précédent. À l’écoute de morceaux tels que »Give Up The Ghosts » ou »Lotus Flower », la voix de Thom Yorke se mue de manière très féminine, de la même manière qu’il avait pu le faire pour la première fois à travers »Nude » ou »The Reckoner ». Il s’agit surtout d’un abandon délibéré de ce qui a fait son succès et une une prise de distance avec son univers élitiste et fermé, comme en témoignent d’ailleurs les nombreux projets annexes auxquels les membres du groupe se consacrent depuis maintenant 5 ans. Le groupe a très certainement moins à prouver que lors de son revirement au début de la décennie 2000, alors que le groupe traversait une crise musicale. Radiohead, comme lieu de retrouvailles ? En attendant le prochain album, prenons le tout comme.