L’univers de Roma di Luna s’étend, il s’étoffe, il s’agrandit, et cela, dans tous les sens du terme. Tout d’abord, les époux Channy Moon et Alexei Casselle ont récemment eu un enfant, et c’est après des nuits trop courtes, entre les couches et les biberons, qu’ils ont enregistré ce quatrième album, le troisième officiel. C’est d’ailleurs par les cris d’enfants et les bruits de jouet du très beau « Baby Hotel » que s’ouvre »Then the Morning Came ».
Ensuite, le duo, qui était déjà accompagné d’autres musiciens sur »Casting the Bones », est désormais un véritable groupe, avec quatre membres permanents supplémentaires, Ben Durrant (guitare, production), James Everest (basse), Ryan Lovan (batterie) et Jessi Prusha (chœurs), tandis qu’Alexei Casselle se retire dans son rôle de guitariste, ne chantant plus que sur un seul morceau, « Mars ». Et comme si cette multiplication par trois ne suffisait pas, d’autres gens encore ont été invités pour jouer du saxophone et de la trompette.
Enfin, le registre du groupe se limite de moins en moins à un folk rêche, à une americana dépressive. La formule de Roma di Luna s’enrichit désormais de blues rock, comme sur « Miss You Too », de country avec le banjo de « Porcupine », et de touches soul et R&B généreuses, avec « Hey Lover », avec aussi tous ces chœurs et tous ces cuivres dont se trouve revêtue cette nouvelle version plus légère, de « Before I Die ».
C’est donc un vrai grand disque riche et complet que les Casselle et leurs comparses ont voulu nous livrer cette fois, un véritable album puisant à toutes les sources des musiques américaines, blanches ou noires, et fort d’un son propre et net produit dans un studio, ce Crazy Beast où sont déjà passés Andrew Bird et, plus près de cette scène dont Alexei Casselle / Crescent Moon est issu, Dosh d’Anticon. L’évolution était prévisible, on ne cessait de l’observer, de disque en disque, de chronique en chronique. Nos amis s’orientaient de plus en plus vers un son plus pro, plus ample, moins brut, malgré la présence de « Starling » et de « Below our Feet » encore très dépouillés. Et ils y sont parvenus.
Tout cela n’empêchera pas de vieux fans d’éprouver une nostalgie pour les titres des débuts, plus écorchés, plus prenants, et de penser que, tout compte fait, le morceau le plus saillant ici, après le sobre « Starling » et le langoureux « Plans to Leave », est encore le splendide « Before I Die », nouvelle mouture de ce qui était déjà le sommet du solide »Face of my Friends », le disque des débuts, celui du temps où Roma di Luna était délicieusement confidentiel. Cependant, sans le moindre doute, »Then the Morning Came » demeure un bel album, la nouvelle étape d’une carrière qui à ce jour, se montre sans faute.