A la sortie de leur premier (et meilleur ?) album en 2001, Elbow était présenté comme le chaînon manquant entre un Coldplay à la carrière mainstream naissante et un Radiohead en pleines expérimentations. Plus fréquentable que les premiers, moins cérébral que les seconds, lisait-on alors ici et là. Si la bande emmenée par Guy Garvey a trouvé une place sur la scène post-britpop du début des années 2000, elle n’a pourtant jamais connu la glorieuse carrière de ces deux groupes.
Alors, est-ce parce que les garçons d’Elbow sont sympathiques, qu’ils viennent du mythique Manchester dont ils assument l’héritage industriel (surprenant morceau sur la solitude d’un conducteur de grue dans « The Seldom Seen Kid ») et qu’ils vendent peu de disques de ce côté-ci de la Manche qu’on les préférera à Radiohead ou Coldplay ?
Eh bien, pas forcément. Certes, Elbow a du talent. Certes, sur chaque album du groupe, il y a de très belles chansons, mais la bande de Guy Garvey n’a ni l’évidence mélodique un brin naïve mais toujours séduisante de l’équipe de Chris Martin, ni l’inventivité sans cesse renouvelée du légendaire groupe d’Oxford (exception faite du peu inspiré « Roi des Limbes » qui n’est, beaucoup l’auront compris, que le deuxième album solo non assumé de Mr Thomas Edward Yorke).
Revenons-en à nos moutons… Le cinquième album d’Elbow commence avec une chanson d’une laideur peu commune. Le méfait s’intitule « The Birds » et, comme pour enfoncer le clou, refait son apparition en fin de disque dans une version dépouillée chantée par une voix fatiguée qui n’est pas sans rappeler celle d’un certain Robert Wyatt (après vérification, ouf, le grand Rob n’a pas pris part à l’affaire). Elbow est un groupe bizarre, capable du meilleur comme du pire sur chaque album. C’est aussi peut-être ce qui fait son charme. De bonnes chansons, il y en a quelques-unes sur « Build a Rocket Boys! » – quatre pour être précis. Le très beau « Lippy Kids » au refrain passionné qui renvoie au meilleur Talk Talk (référence absolue de Garvey), le travail impressionniste d’Hollis autour du silence en moins. Le curieux « Jesus Is a Rochdale Girl » au folk tortueux tout à fait inclassable. L’élégant et grandiloquent « Open Arms » au feu d’artifice mélodique final assez génial. Le mélancolique et apaisé « Dear Friends » aux choeurs en forte teneur émotionnelle.
Plusieurs (très) grandes chansons, donc. Mais, au rayon des horreurs, impossible de ne pas mentionner, en sus du morceau d’ouverture, un « Neat Little Rows » aux relents progressifs totalement embourbés. Et des chansons comme ça, vraiment, ça peut faire changer d’avis sur un album qu’on avait pourtant plutôt envie d’aimer.