Le retour du saxophone dans la musique pop n’est pas à proprement parler ce dont on aurait rêvé pour 2011, mais après Iron & Wine sur son récent « Kiss Each Other Clean« , c’est maintenant au tour du Canadien Dan Bejar, alias Destroyer, de remettre au goût du jour l’instrument mal aimé. Toutefois, là où Sam Beam se contente de l’utiliser avec parcimonie, Bejar le place carrément au centre des débats, comme élément indispensable d’un décorum soft-rock flirtant en permanence avec le mauvais goût assumé.
Il faut ainsi un certain temps pour se familiariser avec le côté clinquant et sophistiqué d’une musique autrefois beaucoup plus en accord avec les canons de l’indie rock et qui se rapproche aujourd’hui d’une certaine idée du romantisme, telle que défendue en son temps par le dandy britannique Bryan Ferry. Mais passées les premières réticences légitimes, on se prend à se dire que le costume ne va pas si mal à Dan Bejar, dont la voix nasillarde reconnaissable entre mille épouse les contours glacés d’une production certes clairement datée et référencée mais qui, en ce début de décennie où l’on tresse des lauriers au moindre artiste estampillé « chillwave », ne paraît finalement pas si incongrue.
Illuminés par les chœurs délicats de la chanteuse Sibel Trasher, « Chinatown », « Blue Eyes » ou la splendide « Suicide demo for Kara Walker » figurent incontestablement parmi les plus belles réussites de ce neuvième album, quand le titre éponyme (dont le clip ultra kitsch est également un régal) ou le sommet « Savage night at the Opera » évoquent une pop synthétique et mélancolique dont le New Order période « Low-life » constituerait le point de référence ultime.
Bejar réussit en vérité une métamorphose fascinante, qui lui permet d’accoucher d’une nouvelle pièce maîtresse dans une discographie riche et complexe mais qui semblait quelque peu tourner en rond sur ses deux derniers chapitres (« Destroyer’s Rubies » (2006) et « Trouble in Dreams » (2008), tous deux traversés par quelques fulgurances mélodiques mais trop inégaux pour s’inscrire réellement dans la durée). La dernière fois que l’on avait ressenti un tel frisson à l’écoute d’un disque du bonhomme remonte à 2004, année de la sortie de l’inégalable « Your Blues ». C’est dire si « Kaputt » vaut le détour.
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