Tous les ans, le Fair attribue une aide à quelques groupes et artistes émergents de la scène française. Et tous les ans, l’organisme y va de sa petite compilation. Cette année, POPnews faisait partie des médias partenaires de l’événement. Voilà donc notre chronique de cette compilation globalement assez réjouissante de 15 titres éclectiques. 15 mini-chroniques donc, et 15 angles de vue différents.
(Vous connaissez les Exercices de style de Raymond Queneau, ce bouquin qui raconte 99 fois la même histoire, de 99 façons différentes ? Allez, comme n’est pas Queneau qui veut, on va se contenter ici de chroniquer les quinze titres de cette compilation du Fair, très agréable surprise de qualité dans son ensemble, de quinze façons différentes. Enfin, à peu près.)
Art District – Moz’art district : (vous êtes bien) Urbain
Clavecin de Mozart, et là, rap, samples, samba. Wolfgang s’amuse, fout le camp la muse, faites place au hip hop, première classe melting pot. Bande de potes au top, le flow galope, dépote. Amadeus rapplique en douce, claviers toussent, rimes s’émoussent. Salzbourg dans les rues de Strasbourg, la musique vote pour.
Concrete Knives – Brand new start : Sans chichi
Ça démarre vite et bien, ça tient le rythme tout du long du morceau, c’est pêchu, immédiat, frais et réjouissant. Ça fait plaisir. Tout simplement.
Emel Mathlouthi – Ma Lkit : Citoyens du monde
Oasis au douces effluves word music, Ma Lkit est une danse du ventre vocale, voilée par une couche d’électronique hypnotique : incursion de la modernité dans un paysage de tradition. Guide sensoriel de premier ordre, la Tunisienne saura vous orienter dans ces contrées lointaines, vous faire oublier carte et boussole, et vous enivrer sans mal par les saveurs nouvelles de son attachant Atlas.
La Femme – Sur la Planche : Y a plus de saison
De nos jours, les jeunes ne savent plus faire simple. A l’époque, ah ça oui, on en avait des chanteuses qui enregistraient des morceaux sans se poser de questions. C’est sûr, Jacqueline Taieb, c’était quelque chose sans en avoir l’air. Simple, efficace, des paroles qui ne cherchaient pas à impressionner la galerie. Et les chansons fonctionnaient. Maintenant, que voulez-vous, on ne sait plus faire tout ça. Heureusement qu’il reste la Femme en 2011.
GiedRé – L’amour à l’envers : Laconique
La première fois fait sourire. La seconde moins. La troisième lasse. On évite les suivantes.
HollySiz – Love me if you dare : Bavard
Chroniquer une chanson isolée est un exercice difficile. Surtout dans le cadre d’une compilation. Il s’agit avant tout de ne pas s’éparpiller, savoir aller à l’essentiel pour ne pas lasser son lecteur. A l’époque où l’on vit, les informations fusent de partout, peu de gens sont prêts à consacrer deux minutes de leur temps à lire une chronique. Il faut donc bien veiller surtout à ne pas enfoncer de portes ouvertes. C’est de la pure perte de temps pour le lecteur. Il faut être concis, net, direct, précis, savoir donner beaucoup d’informations en peu de mots. Aller à l’essentiel, ça on ne le répétera jamais assez. « To the point », comme disent les Anglo-saxons, qui sont parfois plus efficaces que nous, il faut bien l’admettre. En dix lettres, ni plus ni moins, le message est passé, ça c’est du discours percutant. Pourquoi faire compliqué et long, quand on peut faire simple, je vous pose la question. Mais je m’égare. Où en étais-je ? Ah oui, la concision. Donc… Pardon ? La chanson de HollySiz ? Ah oui, elle est bien. Mais je ne vois pas le rapport.
John Grape – Pale Girl : Sous-entendus
Plainte acoustique. Ballade au crépuscule. Refrain cru, choeurs et coeur. Crescendo. Quête, échec, désespoir. Bravo.
Kidwithnoeyes – Kid With No Eyes : Name dropping
Une boucle électronique influencée Portishead se glisse sur quelques arpèges de guitare acoustique (ah, Bert Jansch, tu nous manques) et donne au morceau une teinte à mi-chemin entre le songwriting douloureux de Sébastien Schuller et la pop aérienne de Syd Matters. A la fin du morceau, grandiloquence aidant, on pense quand même aussi pas mal à Muse. On aurait préféré Sparklehorse.
Laurent Lamarca – J’ai laissé derrière lui : Alexandrins
En laissant derrière lui, de pareille façon
Ce qui faisait jadis, son plus bel apanage
L’accueillant Lamarca ajoute à ses bagages,
Le bienheureux passant qui goûte à sa chanson
Lisa Portelli – Les chiens dorment : Bayonnesque
Il fait froid sous le murmure aux oreilles chantonnant de Lisa Portelli, étrange psalmodie hors dimanche, de sa voix berceuse pour adultes. On pétrifie là, toutes canines dehors, attente parsemée d’étoiles, dans la chanson émolliente d’une reine de Reims. La mélodie, sans arrêtes mais non sans contours, rivière limpide, nous saisit et ne lâche plus. Ne réveillez pas pareil toutou assoupi.
Manceau – Full Time Job : Paresseux
Pas manchots ces Manceau.
Oh! Tiger Mountain – Lovve behind : Pleutre
Il me semble, si du moins j’en crois cette chanson, qu’il y a chez Oh! Tiger Mountain, un potentiel de talent non négligeable, si tant est bien sûr qu’on soit en mesure d’apprécier un peu la pop indépendante et solitaire, ce qui n’est pas le cas de tout le monde et on ne doit pas s’en plaindre. On pourrait même dire, si on ne craignait pas les excès, que ce Lovve Behind dévoile quelque chose d’assez original, de plutôt réussi dans le genre. Un résultat qui est loin d’être mauvais, en quelque sorte. Quoi qu’on puisse toujours trouver plus réussi bien sûr. Des auditeurs seront peut-être sensibles à une certaine forme de virtuosité, ou en tout cas de maîtrise dans l’art d’allier efficacité et minimalisme. D’autres y entendront peut-être autre chose. Mais ce n’est que mon avis.
Peau – Première mue : Petit Annonceur
Jeune fille débrouillarde, timbre discret, habile au maniement de boîtes à rythmes et boucles électroniques, cherche mélomane rompu à la pop francophone, volontiers déstabilisante, pour flirt non conventionnel, plus si affinités. Non sérieux s’abstenir.
Sarah W_Papsun – Drugstore Montmartre : Faussement technique
Backing vocals monosyllabiques en ouverture de morceau, accompagnés de guitares diaphanes légèrement sous-mixées. Le tempo s’accélère. La voix, baryton, tendance ténor demi falsetto, entre en jeu dans les mesures suivantes. Batterie métronomique, guitares agiles mais discrètes. Un math rock millimétré se met en place, couche par couche. Arrangements impeccables. Tonique, tendu, tempo en constante accélération. Excellente tessiture de morceau. Diction qui trahit pourtant une position latitudinale légèrement trop au sud (de Londres par exemple).
The Shoes – Time to Dance : Impératif festif
Ouais ! Allez, oublie tous tes problèmes et viens user tes semelles au rythme d’une pop qui a mangé des Frosties au petit-déjeuner. Tape dans tes mains avec nous, remue des pieds, bouge ton popotin, reprends en choeur et n’oublie pas de bien lacer tes chaussures. C’est l’heure de danser.